2020 devrait être l’année du renforcement de la présence russe dans le secteur énergétique algérien. Après Gazprom, qui est présent depuis 2006 et qui a réalisé une importante découverte de gaz dans le bassin de Berkine, c’est au tour de Lukoil de marquer son intérêt pour l’Algérie.
Les discussions entre la Société nationale pour la recherche, la production, le transport, la transformation et la commercialisation des hydrocarbures (Sonatrach) et Lukoil ont débuté à Moscou, en marge de la 21e réunion du Forum des pays exportateurs de gaz (GECF), qui s’est tenue au mois d’octobre 2019.
«La délégation algérienne était conduite par Rachid Hachichi, ex-PDG de la Sonatrach, et celle de Lukoil par son PDG Vaguit Alekperov. Ce premier contact a été très intéressant car il a permis de jeter les bases du futur partenariat entre les deux groupes. Les parties ont pu délimiter le cadre général d’une collaboration dans des domaines aussi divers que l’exploitation pétrolière, l’off-shore ou la transformation des hydrocarbures», indique un haut responsable du ministère de l’Énergie algérien qui a requis l’anonymat.
Lukoil devrait se révéler un partenaire intéressant pour la Sonatrach car il maîtrise tous les métiers du secteur de l’énergie, de la recherche à la distribution de produits pétroliers raffinés en passant l’exploitation et la transformation. Pour sa part, le groupe russe devrait tirer profit du potentiel important du sous-sol algérien et de la situation stratégique de ce pays d’Afrique du Nord. La possibilité d’une coopération à l’international a également été évoquée lors du premier round de discussions.
«Les changements opérés au sommet de la Sonatrach et l’élaboration de la nouvelle loi relative aux hydrocarbures ont provoqué quelques retards dans les processus de négociations avec certains partenaires. La situation est maintenant plus stable et les discussions avec Lukoil devraient reprendre sous peu», assure le haut responsable du ministère de l’Énergie.
Le futur partenariat Sonatrach-Lukoil s’inscrira donc dans le cadre de la nouvelle loi sur les hydrocarbures. La question de l’attractivité du domaine pétrolier algérien, notamment dans son volet fiscal, était au cœur du processus d’amendement du dispositif législatif. La nouvelle loi impose toujours le principe de la règle dite 51/49 qui permet à la Sonatrach de rester majoritaire dans les contrats de participation ainsi que dans les contrats de partage de production.
Lukoil devrait bénéficier d’un climat tout à fait favorable en entrant en Algérie. Le refus des autorités locales de permettre au français Total de racheter les actifs d’Anadarko et le gel de l’accord entre la Sonatrach et ExxonMobil met le géant pétrolier russe dans une situation plutôt confortable. Reste la perception d’un tel partenariat stratégique au niveau international.
Interrogé par Sputnik, le professeur Yahia Zoubir, directeur de recherche en géopolitique à la Kedge Business School (Marseille, France) et chercheur-résident au Brookings Doha Center (Qatar), une coopération Sonatrach-Lukoil ne devrait pas déranger les intérêts des grands groupes internationaux.
«Il est vrai que l’Algérie et la Russie sont liées par un partenariat stratégique dans le domaine militaire. Mais dans ce cas précis, nous sommes dans un tout autre registre. Lukoil est une société spécialisée dans pétrole, contrairement au russe Gazprom qui est dans le domaine du gaz naturel. Le gaz est un élément essentiel pour les pays européens et on se souvient encore des vives critiques qu’avait soulevé l’accord entre la Sonatrach et Gazprom pour la création d’un cartel du gaz», souligne Yahia Zoubir.
L’économie de l’Algérie reste encore très dépendante de ses ressources en hydrocarbures. L’augmentation de la consommation interne et les engagements internationaux obligent la Sonatrach à engager un vaste programme d’exploration pour trouver et développer de nouveaux gisements. Des actions qui nécessitent des fonds importants et une grande expertise que le groupe algérien est tenu de se procurer en dehors des frontières algériennes.