Selon le dernier inventaire de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), la France comptait 1,62 million de m3 de déchets radioactifs fin 2017, dont 0,2% (3.740 m3) de déchets de haute activité qui peuvent être radioactifs jusqu'à plusieurs centaines de milliers d'années.
Les charges de gestion de ces déchets (hors futures opérations de démantèlement des centrales nucléaires) sont estimées officiellement à 73,5 milliards d'euros, dont 25 milliards - somme fixée par décret - pour le futur site de stockage géologique profond Cigéo.
Mais «nos calculs ont permis d'estimer que les volumes de déchets de haute activité à vie longue sont cinq à sept fois supérieurs aux chiffres officiels (...) Cela signifie qu'il faudrait a minima doubler les dimensions du projet Cigéo», a déclaré Florence de Bonnafos, de Greenpeace France.
Pour l'ONG anti-nucléaire, un certain nombre de substances radioactives, comme le combustible usé entreposé dans les piscines de La Hague, devraient être classées comme déchets et non pas comme matières (substances pour lesquelles une utilisation ultérieure est prévue ou envisagée).
Dans un rapport publié en juillet, la Cour des comptes avait déjà noté les «limites» et l'«ambiguïté» de cette classification pour certaines substances, comme le MOX usé et l'uranium de retraitement ré-enrichi (URE) dont la réutilisation est liée à l'hypothétique développement de réacteurs de 4e génération à protons rapides. Une perspective qui s'est éloignée avec l'abandon, au moins à moyen terme, du projet de réacteur prototype Astrid.
«Le coût du seul stockage éventuel des MOX et URE usés dans Cigéo est évalué à plus de 5 milliards d'euros», soulignait la Cour.
Devançant la publication du rapport de Greenpeace, EDF a assuré mardi après-midi avoir pris les provisions financières nécessaires pour ses déchets.
«Même si notre scénario industriel est de conserver ouverte la possibilité du multirecyclage, notamment dans les réacteurs de 4e génération, dans la mesure où cette filière industrielle n'existe pas aujourd'hui et de fait a une perspective retardée, ce que nous pratiquons déjà depuis de nombreuses années c'est une traduction financière prudente qui consiste à provisionner une solution de repli qui s'appuie uniquement sur les technologies aujourd'hui disponibles», a également indiqué Sylvain Granger, directeur des projets déconstruction et déchets pour EDF, qui a provisionné un peu moins de 41 milliards d'euros au total.
Mais Greenpeace plaide pour requalifier en déchets davantage de types de matières et l'ONG en arrive au total à une estimation «conservatrice» de 18 milliards d'euros supplémentaires pour leur gestion, dont 15 milliards à la charge d'EDF, déjà endetté à hauteur de 33 milliards d'euros.
Cette passe d'armes intervient à deux semaines de l'issue du débat national sur la gestion des matières et déchets radioactifs lancé en avril, sujet sensible et très clivant dans un pays qui possède le deuxième parc de réacteurs nucléaires au monde.
Après le bilan de ce débat qui sera publié d'ici à la fin novembre, le gouvernement présentera le 5e Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR).