L’acquisition par la Turquie de systèmes de défense antiaérienne russes S-400 – que le dirigeant turc Recep Tayyip Erdogan a déjà qualifié d’«accord le plus important de l’Histoire contemporaine» de son pays - ne manquerait pas d’aggraver les relations déjà très tendues entre Washington et Ankara, a estimé dans son article pour Focus Online le professeur de politologie allemand Thomas Jäger qui n’exclut pas que ce conflit puisse déboucher sur la sortie de la Turquie de l’Otan.
Et si la Turquie sortait de l’Otan
Si «la Turquie décide de se retirer de l’Otan, ce sera une immense perte géostratégique pour l’Alliance», écrit M.Jäger.
Et d’ajouter qu’une telle évolution n’était pas à exclure. Tout dépendra, selon lui, en qui le Président turc Recep Tayyip Erdogan verra la garantie de son avenir politique.
Le politologue a relevé que même si la Turquie restait dans l’Otan, la méfiance s’installerait parmi les autres membres de l’Alliance.
«La dissension s’est déjà implantée dans l’Otan et ne disparaîtra plus même si l’Alliance tient dans sa composition actuelle», souligne l’Allemand.
M.Jäger retient que grâce à ce contrat avec la Turquie, la réputation de la Russie dans le monde ne cessera de se conforter à une vitesse vertigineuse, alors que le conflit entre Ankara et Washington témoigne d’un triomphe de Vladimir Poutine.
Le Président turc veut des S-400 «à tout prix»
Dans son article pour le site du journal allemand Die Welt, Boris Kalnoky constate pour sa part que les experts en sécurité n’arrivent toujours pas à comprendre pourquoi le Président turc Recep Tayyip Erdogan veut «à tout prix» des systèmes de défense antiaérienne S-400 fabriqués en Russie.
Et de suggérer que le fait qu'Ankara ait décidé d’en acheter malgré les sévères mises en garde et les critiques acerbes de l'Otan et des États-Unis pourrait être considéré comme un «point de non-retour» pour la Turquie, après quoi elle pourrait «quitter les rangs des alliés».
Selon M.Kalnoky, en achetant des S-400, Erdogan dit: «Au revoir, Occident».
Ankara voit en la Russie un partenaire de négociation
Le journaliste estime que la Turquie a décidé de s'en tenir au contrat [de livraison des S-400, ndlr] malgré les critiques de l'Otan et des États-Unis, car elle considère sans doute la Russie comme un partenaire de négociation au Proche-Orient, parce que Moscou aurait, selon elle, davantage d'influence dans cette région que les États-Unis.
Boris Kalnoky donne d’ailleurs une autre explication probable, supposant que le Président turc préfère tout simplement se tenir à l’écart des États-Unis, alors que des S-400 pourraient être installés à proximité de la capitale du pays.
Et de rappeler que lors de la tentative de coup d'État de 2016, le parlement turc avait été attaqué du ciel. Recep Tayyip Erdogan pourrait donc craindre que, s'il y déployait des missiles Patriot fabriqués aux États-Unis, Washington ne les bloque à distance dans une situation similaire.
La première cargaison de missiles antiaériens russes S-400 acquis par la Turquie a été acheminée vendredi 12 juillet vers la base aérienne de Murted, à Ankara. Dimanche, le cinquième avion avec des composants de ce système y atterri et encore deux autres sont attendus, annonce le ministère turc de la Défense nationale.
Membre de l'Otan, la Turquie a répété à plusieurs reprises que les systèmes de défense antiaérienne russes ne présentaient aucune menace pour l'Alliance. Mais l'Otan et les États-Unis ont vivement critiqué la coopération turque avec la Russie, affirmant que les S-400 étaient incompatibles avec les systèmes de défense aérienne de l'Otan. Washington insistait pour qu'Ankara achète les systèmes américains Patriot à la place des S-400, menaçant de geler l'accord sur les F-35.