«J’ai tenu des propos qui n’engageaient que moi et qui ne sont en aucun cas la position du gouvernement qui, le cas échéant, aura l’occasion d’être précisée par la bouche de Franck Riester [le ministre de la Culture, ndlr]», déclare Cédric O sur France Culture. Ce dernier aurait-il finalement pris connaissance de la position d’Emmanuel Macron sur la question en 2017?
«Un ordre des journalistes […] moi depuis l’Italie des années 30, je n’avais pas vraiment croisé ça,» lâchait Emmanuel Macron durant l’entre-deux tours des présidentielles.
Plus de 10.000 interpellations de Gilets jaunes et quelques convocations de journalistes devant la DGSI plus tard, Cédric O, Secrétaire d’État chargé du numérique plaidait dans cette fameuse interview accordée à Reuters, pour la création d’un «Conseil de l’ordre» des journalistes. Si, comme le soulignent nos confrères, l’ancien assistant parlementaire de Pierre Moscovici avait «nuancé» ses propos en déclarant qu’«on n’en est pas du tout là», force est de constater que le secrétaire d’État mettait les journalistes dos au mur et «les menaçait» avec un message on ne peut plus clair: les journalistes doivent s’organiser face à la désinformation faute de quoi «l’État s’en chargera».
«Je considère qu’il doit y avoir un Conseil de l’ordre des journalistes, des journalistes entre eux, qui prennent des décisions et qui disent à l’État: “Vous devez retirer l’agrément de tel ou tel canard, mettre des avertissements”», développait auprès de Reuters l’ex –«DSK boy».
Un message qui est mal passé et qui a fait réagir par-delà les frontières: ainsi Robert Mahoney, directeur adjoint du comité pour la protection des journalistes, a-t-il exprimé son trouble depuis New York.
France’s increasingly disturbing approach to ‘false’ news, telling journalists to tackle the problem or let the State do it. (Sorry can’t yet find the article in English) Cédric O prône un Conseil de l'ordre des journalistes | Article [AMP] [FR] | Reuters https://t.co/wTzxxQ8Hcq
— Robert Mahoney (@RobertMMahoney) June 26, 2019
Face aux «fausses» nouvelles, l’approche inquiétante de la France, qui enjoint aux journalistes de s’attaquer au problème ou de laisser l’État s’en charger.
Tout particulièrement dans le collimateur du Secrétaire d’État, les médias russes. Comme le soulignent nos confrères, «Cédric O considère que des médias comme Russia Today (RT) ou l’agence Sputnik, qui sont sous influence russe, fragilisent volontairement la démocratie “pour aboutir à l’arrivée au pouvoir de tel ou tel parti politique”» et c’est en brandissant cette «menace contre la démocratie» que l’on comprend que l’État pourrait reprendre la main sur les journalistes, via le CSA ou une autorité indépendante «qu’il aura nommée», afin de sanctionner unilatéralement. Contacté à plusieurs reprises par Sputnik, le cabinet de Cédric O n’a pas donné suite à nos sollicitations.
Pour autant, si Cédric O a plaidé, dans son interprétation musclée du rapport Hoog, la position personnelle, son interview ressemble à un nouveau ballon d’essai. Déjà en février, Macron confiait, dans une interview en off que
«Le bien public, c’est l’information. Et peut-être que c’est ce que l’État doit financer […] Il faut s’assurer qu’elle est neutre, financer des structures qui assurent la neutralité.»
Des propos qui précédaient donc de peu la publication du rapport Hoog. Faisant le lien entre ces déclarations et les conclusions du rapport Hoog, Étienne Gernelle, éditorialiste au Point, craignait que Macron ne veuille créer «un comité de censure molle».
Rappelons aussi que des journalistes de Radio France et du Monde ont été convoqués à la DGSI après leurs révélations concernant l’affaire Benalla ou l’usage offensif dans la guerre au Yémen des armes vendues par la France à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis.