Boko Haram continue de semer la terreur dans les pays du bassin du lac Tchad. L'armée tchadienne a perdu au moins onze hommes, dont trois officiers, dans une attaque attribuée à la secte islamiste, vendredi 21 juin, dans une localité située dans la province du lac Tchad (Ouest du Tchad), a appris Sputnik de sources locales.
Les onze militaires tués, dont trois officiers, cherchaient à récupérer des milliers de bœufs dérobés par Boko Haram dans la région. Ils sont tombés dans une embuscade, au cours de laquelle ils ont réussi à neutraliser 26 djihadistes, a appris Sputnik. Au cours de cette attaque, six militaires ont été également blessés.
Interrogé par Sputnik sur l’efficacité des moyens engagés dans la lutte contre les terroristes de la secte islamiste dans la région du lac Tchad, Joseph Lea Ngoula, analyste des questions sécuritaires et géopolitiques pour le cabinet Orin consulting, spécialisé dans la gestion des conflits en Afrique, précise que
«Même si la pression militaire sur Boko Haram a permis de faire reculer la menace et de contrarier le projet du califat qui s'implantait progressivement dans la région, la stratégie de défense a traité des symptômes d'un mal aux racines profondes, sans s'attaquer aux conditions de précarité et d'exclusion préexistantes à Boko Haram. Le tout sécuritaire sur lequel repose toute la stratégie défense des Etats du lac Tchad a aussi créé son lot de revanchards au sein des populations civiles, victimes collatérales des raids des forces armées. En plus de gonfler les rangs de Boko Haram, la logique sécuritaire empreint de violation des droits humains, a parfois alimenté la stigmatisation de certaines communautés et la destruction des infrastructures vitales des populations locales», commente-t-il.
«La FMM est un dispositif efficace qui a inspiré le G5 Sahel, mais elle rencontre deux grandes difficultés qui amoindrissent son rendement : l'absence de moyens financiers et la méfiance qui règne entre les pays qui y contribuent. Elle reste largement tributaire des maigres contributions financières des différents Etats membres, eux-mêmes confrontés à des problèmes de trésorerie depuis la baisse des cours du pétrole et l'éclosion de nouveaux foyers de tension sur leur territoire respectif. Le déficit de moyen empêche l'activation de la phase 2 du concept d'opération de la FMM, pourtant utile pour adresser les racines socio-économiques de la crise et enrayer l'instrumentalisation des communautés par les factions de Boko Haram.
La méfiance réciproque entre le Cameroun et le Nigeria vient rajouter une couche supplémentaire de difficultés qui entravent jusqu'à présent le droit de poursuite que devrait exercer les différentes armées pour assiéger Boko Haram», explique Joseph Lea Ngoula, le spécialiste des questions sécuritaires au micro de Sputnik.
«Les réponses à apporter doivent être multiformes et ne doivent pas se contenter de riposter aux attaques djihadistes. Elles doivent aussi prévenir l'enrôlement dans les factions de Boko Haram tout en s'attaquant aux défis connexes tels que, le crime transnational organisé (contrebande, braconnage, grand banditisme) qui exacerbe l'insurrection islamiste dans le lac Tchad.
Au-delà de la coopération sécuritaire qui demande à être renforcée de manière à dissiper toutes les entraves à la mobilité des services de sécurité, les Etats du bassin du lac Tchad doivent cesser d'attendre un soutien international en intensifiant la coopération régionale en matière de développement. La coopération décentralisée sur des projets transnationaux dans cet espace pourrait permettre de redéployer un système administratif et des services de base plus compétitifs pour regagner l'adhésion des populations», suggère-t-il.
Avant de poursuivre :
«Les Etats devraient par ailleurs se montrer plus respectueux des droits humains dans la conduite des opérations dans cette zone où djihadistes et civils cohabitent. C'est une démarche importante pour améliorer la collaboration avec les populations et inciter les soutiens techniques et financiers des partenaires internationaux», précise le spécialiste au micro de Sputnik.
Au Nord-est du Nigéria, dans la région du Diffa au Niger, à l’Extrême-Nord du Cameroun et à l’Est du Tchad, des millions de personnes sont victimes de déplacements, massacres, malnutrition aiguë et maladies. Selon l’Onu, 10,7 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire dans cette partie du continent.