En Tunisie, des imams suspendus pour avoir enfreint une «charte» de bonne conduite

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Plusieurs imams ont été suspendus, ces derniers mois, en Tunisie, sur décision du ministère des Affaires religieuses. Particulièrement regardantes sur la neutralité de l’espace religieux en période électorale, les autorités tunisiennes ont décidé de sévir contre l’instrumentalisation des mosquées, en prévision des élections générales à l’automne.

Près de 70 personnels de mosquées, dont des imams, ont été relevés de leurs fonctions en Tunisie, depuis le début de l'année, pour avoir commis des «dépassements», a appris Sputnik du ministère tunisien des Affaires religieuses.

Les employés sanctionnés sont des imams prêcheurs, mais aussi des muezzins, ou des maîtres d'écoles coraniques, a précisé à Sputnik Hakim Amairi, directeur de cabinet du ministre des Affaires religieuses. Concernant plus particulièrement les imams, les suspensions sont venues sanctionner une infraction aux dispositions d'une «charte d'honneur de l'imam prêcheur».

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Adopté en février 2019 par le département ministériel avec le concours d'imams et d'une partie de la société civile, le texte énonce des recommandations et des interdictions concernant l'exercice du prêche du vendredi.

La charte vise, notamment, à garantir «la neutralité politique» des lieux de culte dans un contexte d'élections générales prévues avant la fin de l'année. Un des objectifs est de «prévenir que les mosquées ne soient instrumentalisées à des fins électorales», ajoute le responsable tunisien dans son entretien avec Sputnik.

En effet, selon les points 8 et 10 de cette charte, les mosquées ne doivent pas être instrumentalisées et surtout pas «pour la promotion de partis politiques, ni à des fins commerciales ou lucrative». Pas plus que les religieux ne sont autorisés à «tenir de discours stigmatisants, insultants, diffamatoires, ni ayant pour objet quelque autre atteinte contre des personnes ou des institutions».

 

L'imam d'une mosquée de la région de Nabeul, dans le nord-est du pays, a ainsi été limogé pour avoir traité le chef du gouvernement de «raté», dans un prêche effectué le vendredi 19 avril 2019. Un rapport, rédigé par un «prédicateur local», un fonctionnaire chargé de recruter, encadrer et superviser les imams, a été aussitôt présenté au ministère qui a procédé à la convocation de l'imam, puis à sa révocation.

«Il ne faut pas croire pour autant que ces sanctions ne sont prises que pour des atteintes à des personnalités publiques. Il y a eu, également, des sanctions prises à la suite d'autres types de dépassements, comme des diffamations à l'égard de particuliers», a précisé l'officiel tunisien.

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Le nombre des prédicateurs du ministère, 400, étant insuffisant pour contrôler l'ensemble des 6.000 mosquées du pays, la procédure d'alerte a été élargie à de simples requêtes présentées par des citoyens, à charge pour le ministère d'en vérifier, par la suite, le sérieux. Par ailleurs, «le ministère de l'Intérieur peut être amené à saisir nos services dans le cadre de notre coopération dans la lutte contre le terrorisme», a ajouté Hakim Amairi.

Ce n'est pas de la première fois que le ministère des Affaires religieuses procède à des sanctions collectives visant les imams. En avril 2018, alors même que la charte n'avait pas encore été adoptée, une centaine de cadres religieux, dont plusieurs imams, avaient été suspendus après avoir présenté leur candidature aux élections municipales.
Le fondement de cette décision, comme celui de la charte adoptée 10 mois plus tard, est d'ordre constitutionnel, avait assuré le ministre des Affaires religieuses, Ahmed Adhoum, dans une conférence de presse. Selon l'article 6 de la Constitution de janvier 2014, adoptée au terme d'une transition politique qui a duré trois ans, l'État «assure la neutralité des mosquées et des lieux de culte de l'exploitation partisane».

«Aujourd'hui, non seulement toutes les mosquées sont de nouveau sous le contrôle du ministère, mais en plus, c'est celui-ci qui prend les arrêtés de nomination de leur personnel. En amont, le recrutement obéit, par ailleurs, à une procédure déterminée et contrôlée», se félicite le responsable tunisien.

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La gestion des mosquées a été très perturbée au lendemain du soulèvement populaire de 2011 en Tunisie, étincelle du «Printemps arabe». Plusieurs lieux de culte «anarchiques» ont vu le jour à travers tout le pays, alors que dans d'autres cas, des imams accrédités par leur département de tutelle ont été débarqués par des fidèles des quartiers ou des groupes fondamentalistes.

Cette situation a constitué un terreau favorable au recrutement et au départ de centaines de djihadistes vers des zones de conflit, notamment en Syrie, d'après les estimations des autorités tunisiennes, alors que d'autres sources, comme le think tank américain Washington Institute for Near East Policy, évoquent 2.900 djihadistes tunisiens.

La reprise en main des mosquées a par ailleurs coïncidé avec un retour à la sécurité et, notamment, après que le pays a été frappé par une série d'attaques terroristes meurtrières en 2015 et 2016.

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