Près de 70 personnels de mosquées, dont des imams, ont été relevés de leurs fonctions en Tunisie, depuis le début de l'année, pour avoir commis des «dépassements», a appris Sputnik du ministère tunisien des Affaires religieuses.
Les employés sanctionnés sont des imams prêcheurs, mais aussi des muezzins, ou des maîtres d'écoles coraniques, a précisé à Sputnik Hakim Amairi, directeur de cabinet du ministre des Affaires religieuses. Concernant plus particulièrement les imams, les suspensions sont venues sanctionner une infraction aux dispositions d'une «charte d'honneur de l'imam prêcheur».
La charte vise, notamment, à garantir «la neutralité politique» des lieux de culte dans un contexte d'élections générales prévues avant la fin de l'année. Un des objectifs est de «prévenir que les mosquées ne soient instrumentalisées à des fins électorales», ajoute le responsable tunisien dans son entretien avec Sputnik.
En effet, selon les points 8 et 10 de cette charte, les mosquées ne doivent pas être instrumentalisées et surtout pas «pour la promotion de partis politiques, ni à des fins commerciales ou lucrative». Pas plus que les religieux ne sont autorisés à «tenir de discours stigmatisants, insultants, diffamatoires, ni ayant pour objet quelque autre atteinte contre des personnes ou des institutions».
L'imam d'une mosquée de la région de Nabeul, dans le nord-est du pays, a ainsi été limogé pour avoir traité le chef du gouvernement de «raté», dans un prêche effectué le vendredi 19 avril 2019. Un rapport, rédigé par un «prédicateur local», un fonctionnaire chargé de recruter, encadrer et superviser les imams, a été aussitôt présenté au ministère qui a procédé à la convocation de l'imam, puis à sa révocation.
«Il ne faut pas croire pour autant que ces sanctions ne sont prises que pour des atteintes à des personnalités publiques. Il y a eu, également, des sanctions prises à la suite d'autres types de dépassements, comme des diffamations à l'égard de particuliers», a précisé l'officiel tunisien.
Ce n'est pas de la première fois que le ministère des Affaires religieuses procède à des sanctions collectives visant les imams. En avril 2018, alors même que la charte n'avait pas encore été adoptée, une centaine de cadres religieux, dont plusieurs imams, avaient été suspendus après avoir présenté leur candidature aux élections municipales.
Le fondement de cette décision, comme celui de la charte adoptée 10 mois plus tard, est d'ordre constitutionnel, avait assuré le ministre des Affaires religieuses, Ahmed Adhoum, dans une conférence de presse. Selon l'article 6 de la Constitution de janvier 2014, adoptée au terme d'une transition politique qui a duré trois ans, l'État «assure la neutralité des mosquées et des lieux de culte de l'exploitation partisane».
«Aujourd'hui, non seulement toutes les mosquées sont de nouveau sous le contrôle du ministère, mais en plus, c'est celui-ci qui prend les arrêtés de nomination de leur personnel. En amont, le recrutement obéit, par ailleurs, à une procédure déterminée et contrôlée», se félicite le responsable tunisien.
Cette situation a constitué un terreau favorable au recrutement et au départ de centaines de djihadistes vers des zones de conflit, notamment en Syrie, d'après les estimations des autorités tunisiennes, alors que d'autres sources, comme le think tank américain Washington Institute for Near East Policy, évoquent 2.900 djihadistes tunisiens.
La reprise en main des mosquées a par ailleurs coïncidé avec un retour à la sécurité et, notamment, après que le pays a été frappé par une série d'attaques terroristes meurtrières en 2015 et 2016.