De vrais-faux Autochtones dans les prisons canadiennes, ou les limites de la discrimination positive.
L'histoire part pourtant d'un juste constat: le sort des Amérindiens, plus exposés à la pauvreté et la violence que la moyenne des autres citoyens, retient l'attention au Canada, au point qu'ils bénéficient de mesures spécifiques.
«La façon dont on détermine si un délinquant est autochtone se fonde sur le principe de l'autodéclaration. C'est-à-dire que si un délinquant se dit autochtone, nous devons le considérer comme tel», a précisé à La Presse Kathleen Angus, administratrice régionale des Initiatives autochtones pour la région du Québec au Service correctionnel du Canada.
Il suffit donc pour un détenu de se déclarer autochtone, sans même avoir des ancêtres issus des Premières Nations. Une nouvelle forme «d'appropriation culturelle»? Dans tous les cas, au micro de Sputnik, le sénateur conservateur Pierre-Hugues Boisvenu s'insurge contre cette «manipulation du système». Surtout intéressé par les questions criminelles, le sénateur explique que «l'autodéclaration» est devenue une manière d'obtenir un traitement particulier pour les prisonniers ordinaires.
«Ce statut donne des avantages marqués. […] Nous avons pris l'habitude de donner ces cartes-là [document attestant les origines autochtones d'un citoyen canadien, nldr] dans les pénitenciers. Ça se fait pour des dizaines de personnes. […] Je ne parlerais pas d'un traitement de faveur, mais d'un traitement particulier. Ça devient un traitement de faveur quand ce sont des Blancs qui font la demande», a souligné le sénateur conservateur en entrevue avec Sputnik.
«Le point de départ de cette affaire est l'assassinat en 2009 de Victoria Stafford, une jeune fille qui avait huit ans à l'époque. L'assassine [Terri-Lynne McClintic, ndlr] a été transférée dans un centre autochtone après s'être autodéclarée autochtone», a rappelé M. Boisvenu.
Effectivement, reconnue coupable de meurtre en 2010, Terri-Lynne McClintic se trouve maintenant au Pavillon de ressourcement spirituel Okimaw Ohci, dans la province de Saskatchewan. Créé en 1995 pour réinsérer les femmes criminelles, le centre accueille des non-Autochtones, mais à condition qu'elles adoptent la spiritualité amérindienne. En 2018, après le transfert de Mme McClintic dans ce centre, la famille de la jeune fille assassinée s'était dit révoltée par la situation.
Un statut très avantageux
Pour le territoire québécois, le sénateur remarque que la plupart des détenus qui se convertissent sont des «Blancs», qu'ils se convertissent à l'islam, à la spiritualité amérindienne ou à une autre religion. La grande majorité des 469 autochtones déclarés comme tels incarcérés au Québec en date du 31 mars dernier ne sont pas membres de l'une des Premières Nations.
«J'ai visité de nombreuses prisons au Québec, et j'ai pu constater que sont des Québécois de souche qui se convertissent le plus», a précisé le sénateur.
«Il faut une enquête externe et complète sur les pénitenciers fédéraux. Le système carcéral est perverti d'un bout à l'autre», a tranché M. Boisvenu.
Ce développement survient dans un contexte où Justin Trudeau est accusé de nuire à la cause autochtone, malgré son grand projet de «réconciliation». À l'intérieur même de son parti, Trudeau est accusé de n'avoir fait que des actions symboliques. L'ancienne ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, fait partie de ses détracteurs les plus suivis. Elle-même autochtone, Mme Raybould est surtout connue pour avoir tenu tête à Trudeau dans l'affaire SNC-Lavalin. Comme quoi, malgré le stratagème évident de certains prisonniers, la question demeure très délicate.