Point Godwin à gogo dans le débat sur les signes religieux au Québec. Non contents de traiter de noms d'oiseaux les partisans de la nouvelle loi sur la laïcité, ses opposants n'ont pas hésité à faire des amalgames avec le nazisme. La loi a été déposée le 28 mars dernier par le gouvernement Legault.
Le 8 avril dernier, un célèbre animateur de radio québécois, Luc Lavoie, a comparé le Premier ministre Legault à Hitler. L'animateur a été forcé de se rétracter, après que le bureau du Premier ministre l'ait exigé. Récemment, les images d'une manifestation anti-laïcité ont suscité l'ire d'internautes, choqués de voir des manifestants associer la loi au fascisme.
La laïcité, un thème explosif au Québec
Tous les adversaires du projet sont toutefois loin d'en arriver à des conclusions aussi tranchées. Le directeur du Centre consultatif des relations juives et israéliennes de Montréal (CIJA), David Ouellette, rejette ces comparaisons. Ce représentant de la communauté juive du Québec (100.000 personnes environ) en appelle à un débat plus respectueux de la part de toutes les parties.
«Nous sommes sortis très forts pour dénoncer les propos de Luc Lavoie assimilant le gouvernement à Adolf Hitler et à son livre Mein Kampf. Nous avons dit que c'était non seulement une insulte à la démocratie québécoise, mais aussi une insulte à la mémoire de millions de victimes du nazisme, qui n'étaient pas seulement juives. C'est tout à fait inacceptable, dans une société démocratique comme la nôtre, d'être incapable de débattre de sujets délicats comme la laïcité et la liberté de conscience sans avoir à délégitimer et diaboliser ses interlocuteurs», s'est insurgé David Ouellette au micro de Sputnik France.
Même son de cloche à la congrégation Beth Israël Ohev Sholem de la ville de Québec. Le président de la Congrégation juive de Québec, David Weiser, estime que les comparaisons entre le gouvernement Legault et l'Allemagne d'Hitler traduisent un «manque de sensibilité» envers les vraies victimes de ce régime.
«Il faut faire très attention avec ces comparaisons. C'est un manque d'éducation, de connaissance et de sensibilité. Je pense qu'il vaut mieux ne pas utiliser ce qui s'est passé en Allemagne. Je pense que le régime nazi n'a rien à voir avec le Québec, qui est une démocratie en bonne et due forme. Je ne vois aucun lien. C'est déplorable qu'on fasse des comparaisons avec le nazisme», a souligné David Weiser dans un entretien avec Sputnik.
«Manque de sensibilité» envers la communauté juive
Le CIJA et la Congrégation juive de Québec ne défendent pas pour autant la nouvelle loi. Rappelons que cette loi interdira le port de signes religieux pour les juges, policiers, gardiens de prison et enseignants. Pour ses partisans, la nouvelle loi est nécessaire, mais pour d'autres, elle est discriminatoire. David Weiser se range dans le dernier camp, jugeant le projet inutile et trop contraignant:
«On estime que ce projet de loi brime la liberté des gens, il est très restrictif. […] On reconnaît et respecte la démocratie québécoise. En revanche, on ne sait pas quel problème cette loi vient régler en tant que tel», a affirmé M.Weiser.
«On trouve le projet très polarisant. On craint que le projet de loi ne crée une situation polarisante comparable à celle qu'on peut trouver chez nos voisins du Sud, aux États-Unis», a précisé ce leader de la communauté juive.
Comme M. Weiser, M. Ouellette estime que la loi va à l'encontre des droits individuels. Il observe que «deux visions légitimes» s'affrontent depuis le dépôt du projet de loi: la vision anglaise et française de la liberté de culte. Tout en restant ouverte au débat, la communauté juive de Montréal préfère se ranger derrière la première vision.
Voilà en tout cas un exemple de débat plus mesuré que celui auquel les Québécois ont eu droit ces derniers temps.