Les souverainistes québécois tiennent toujours leurs autres camarades de lutte à l'œil. Comme le référendum sur l'indépendance de l'Écosse en 2014, celui sur l'autodétermination de la Catalogne d'octobre 2017, a été très suivi au Québec.
Organisé par le gouvernement régional catalan, l'exercice avait été déclaré illégal par le Tribunal constitutionnel espagnol. Dans un contexte tendu, le OUI l'a quand même emporté à 90%, avec un taux de participation de 42,4%. Depuis que le désormais ex-président Puigdemont a déclaré l'indépendance de la Catalogne, la région est sous la tutelle de Madrid. Obligé de quitter ses fonctions, M. Puigdemont s'est exilé en Belgique.
Situation en Catalogne: un enjeu très suivi au Québec
À Ottawa comme à Québec, les députés souverainistes ont rapidement manifesté leur mécontentement. À l'Assemblée nationale, le Parti québécois a déposé une motion exigeant «la révision de cette décision le plus rapidement possible». Le Premier ministre du Québec, François Legault, n'a pas appuyé la motion, mais a demandé des détails au Premier ministre Trudeau. Il faut rappeler que François Legault est un ancien souverainiste reconverti en autonomiste, une position à mi-chemin entre le souverainisme et le fédéralisme.
«Je ne comprends pas la décision du gouvernement fédéral. Je suis perplexe et j'aimerais que le gouvernement fédéral de M. Trudeau explique sa décision. Pourquoi il refuse cette personne-là?», a demandé M. Legault en conférence de presse à Québec.
«Toutes les personnes qui cherchent à venir au Canada sont assujetties au même processus administré par des agents indépendants de l'IRCC [le ministère de l'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, ndlr]. Ce processus est libre de toute ingérence politique», a précisé Mathieu Genest, l'attaché de presse du ministre fédéral de l'Immigration, Ahmed Hussen.
Les souverainistes ne croient pas un mot de la version du gouvernement canadien. L'avocat québécois de Carles Puigdemont, Stéphane Handfield, n'écarte pas non plus l'hypothèse d'une intervention politique. Il explique qu'un fonctionnaire a dû intervenir pour cibler spécifiquement l'autorisation de voyage de son client, qui avait été émise au départ.
«Si on me dit que toutes les AVE [autorisation de voyage électronique, ndlr], qui sont émises à travers le monde pour le Canada, font systématiquement l'objet d'une vérification par quelqu'un, d'accord, je veux bien accepter qu'il s'agisse d'un hasard. Mais je ne crois pas que nous ayons les effectifs nécessaires pour revoir l'ensemble des décisions qui sont prises initialement pour délivrer les AVE. Qu'est-ce qui explique qu'à deux jours de la venue de M. Puigdemont au Canada […], on révoque son autorisation de voyage, si ce n'est qu'une intervention politique? Je ne vois pas autre chose», a souligné Stéphane Handfield en entrevue avec Sputnik.
«Quand on regarde l'ensemble du dossier de monsieur, ce n'est pas quelqu'un qui a des antécédents judiciaires. Ce n'est pas quelqu'un qui est membre du crime organisé ou associé à une mouvance terroriste. Que peut-on reprocher d'autre à monsieur comme élu, comme ex-président de la Catalogne, que d'avoir participé et organisé un référendum sur la sécession de son peuple? C'est ça qu'on lui reproche. Si ce n'est pas politique, je ne vois rien d'autre», a ajouté l'avocat montréalais.
«À mon avis, ce sera difficile, pour le ministère, de justifier la révocation de l'AVE. […] Je doute fort qu'on reçoive des motifs dans lesquels on dirait noir sur blanc que M. Puigdemont est un indésirable parce qu'il est un séparatiste catalan. Si ce sont les motifs, on risque de nous dire qu'il n'y a pas de motif. Et si c'est le cas, on verrait que la révocation est déraisonnable», a précisé Me Handfield.
Il faudra attendre l'automne 2019 pour connaître l'évolution du dossier. Les indépendantistes catalans pourraient-ils raviver la flamme souverainiste au Québec, comme semble le croire Ottawa?