Les habitants de la Belle Province sont-ils des Québécois ou des Canadiens français? Les deux, vous diront la plupart des gens qui y vivent. Pourtant, depuis les années 1970, seul le nom «Québécois» est utilisé. Avec la modernisation du Québec et la montée du mouvement souverainiste, le nom Canadien français a été abandonné. Un terme auquel se sont identifiés quelques millions de gens pendant plus d'un siècle.
Pour la petite histoire, quand l'explorateur Jacques Cartier a planté sa croix à Gaspé en 1534, c'est le Canada et non le Québec qu'il a découvert. Une ville sera bien nommée Québec, plus haut sur la rive du fleuve, mais c'est le mot Canada qui allait être retenu. Les colons français deviendront rapidement des Canadiens.
Du Canada au Québec en passant par le Canada français
Un jeune auteur a toutefois récemment relancé le débat. Dans un essai sous forme de roman intitulé La Maison mère (Éd. Boréal), Alexandre Soublière invite les Québécois à redécouvrir leur identité. Une redécouverte qui passerait par celle du Canada français. Pour retrouver leurs racines, les Québécois devraient accepter de se concevoir à nouveau comme des héritiers de ce vaste territoire qui s'étendait de Québec à la Nouvelle-Orléans. Le Canada français, ce serait d'abord un rapport particulier à la nature et au continent nord-américain.
L'identité canadienne-française ne serait pas confinée au territoire du Québec, mais s'enracinerait aussi aux États-Unis. La preuve: non seulement la Nouvelle-France couvrait une grande partie du territoire actuel de ce pays, mais un million de Canadiens français s'y sont exilés entre le milieu du XIXe siècle et la Grande dépression de 1930.
Soublière invite ses compatriotes à mettre en veilleuse le débat sur la souveraineté du Québec pour se reconnecter avec leur «américanité». Une proposition qui ne pouvait pas faire l'unanimité, tellement le lien entre le Québec et la France semble fort.
«La nostalgie est au cœur de l'expérience canadienne-française», écrit Alexandre Soublière dans son livre, encensé par la critique.
«Au lieu de s'efforcer à la coexistence pacifique en élargissant les visions du monde et les appartenances, on mettrait en place des frontières ethniques qui risqueraient de se transformer en barrières», écrit Gérard Bouchard. Un point de vue qui a été repris par d'autres intellectuels, même si le jeune auteur se défend de prôner le nationalisme ethnique.
«Lorsque je prêche pour le retour de l'expression Canadien français, c'est non seulement une manière de reprendre notre place dans notre pays (au complet), mais c'est aussi un appel à recommencer à voir la réalité de façon lucide», écrit aussi Soublière dans La Maison mère.
Soublière pense que les Québécois devraient se détacher de la France et se préoccuper davantage du sort de la francophonie canadienne. Sur ce point, les derniers mois n'ont pu que lui donner raison. En novembre 2018, le gouvernement conservateur de l'Ontario a annoncé qu'il abolirait certains services aux francophones, ce qui a rapidement soulevé l'indignation. Des milliers de Québécois ont témoigné leur soutien à leurs compatriotes de l'Ontario, dont les droits ont selon eux été bafoués.
Les Québécois ont-ils abandonné les Franco-canadiens?
Il est peu probable que les Québécois reviennent à leur ancien nom, mais le Canada français reste très présent dans leur imaginaire. Tous les samedis soirs d'hiver, ils sont encore des dizaines milliers à regarder jouer les Canadiens de Montréal, cette célèbre et mythique équipe de hockey. Si cette équipe changeait de nom, le Québec pourrait vivre une crise encore plus grande que celle provoquée en France par les Gilets jaunes…