Il y a 20 ans, le 12 avril, deuxième jour de la Pâque orthodoxe, le train de passagers numéro 393 reliant Nis à Vranje et à Ristovac traversait le village de Grdelica (entre 2.000 et 3.000 habitants) au sud de la Serbie. A 11h40, les habitants de Grdelica ont été secoués par une puissante explosion qui a soufflé les fenêtres et les portes. Les habitants de ces maisons ont immédiatement compris que l'aviation de l'Otan bombardait le pont Sarajevski à proximité de la rivière Juzna Morava.
Interrogé par Sputnik, Ljubomir Nikolic, un habitant de Grdelica dont les fenêtres donnent précisément sur le pont, se souvient qu'il était entré dans sa maison pour vérifier que les volets étaient fermés. Les événements ce jour-là sont ancrés dans sa mémoire jusqu'au moindre détail. Il raconte que l'explosion était si puissante qu'il a été projeté sur le sol de sa propre maison.
Sa voisine, Gordana Stamenkovic, raconte que l'explosion s'est produite alors qu'elle se trouvait sur la terrasse.
«Le train passait et tout à coup une explosion a eu lieu, le train s'est embrasé, les gens ont commencé à crier et à pleurer, certains se jetaient dans la Morava pour survivre», se souvient-elle, les larmes aux yeux.
«Le train a d'abord été percuté par un obus, et le deuxième wagon a été déchiré en deux. Nous nous sommes jetés à quatre vers le troisième wagon, intact, pour aider les gens à en sortir. Et c'est là que nous avons entendu le son d'un autre missile. Nous nous sommes alors jetés en arrière, vers la voiture. A côté d'elle nous avons compris que le second missile avait également coupé en deux le troisième wagon. Nous aurions pu nous trouver à l'intérieur. A cinq minutes près», témoigne Vladimir Golubovic. Il qualifie ces événements de «seconde naissance».
Vladimir Golubovic partage les mêmes souvenirs cauchemardesques: «C'est impossible à oublier: des corps déchiquetés étaient littéralement étalés sur les maisons aux abords.»
Le personnel de la clinique locale, qui était l'établissement médical le plus proche du lieu de la tragédie, est arrivé sur place avec une rapidité incroyable. Ceda Jovic, responsable de la clinique de Grdelica à l'époque, se souvient du dévouement et du zèle des habitants qui aidaient les médecins:
«Les gens du voisinage se portaient volontaires pour faire sortir les victimes. Nous avons formé trois équipes mobiles, nous avons demandé l'aide de l'hôpital le plus proche — le Centre médical de Leskovac, le plus proche de Grdelica. Grâce à ça, l'opération pour l'extraction des survivants et des victimes a été terminée très rapidement.»
Le colonel Rajica Boskovic, expert militaire, affirme qu'il convient d'accorder une attention particulière au second missile lancé par l'Alliance contre le train.
«Étant donné qu'au moment où le train a été percuté par le missile la locomotive avait déjà avancé d'une centaine de mètres sur le pont, et que le train circulait à une vitesse de 18 m/s, ils avaient suffisamment de temps pour comprendre qu'un train était présent sur le pont. En traçant des parallèles entre le bombardement de Grdelica et les guerres en Irak et en Libye, on perçoit des similitudes, et il ne fait aucun doute qu'en grande partie les crimes de l'Otan étaient malintentionnés», affirme Rajica Boskovic.
Les noms des 14 victimes identifiées ont été inscrits sur le monument érigé près du pont ferroviaire de Grdelica. Certains corps n'ont pas été identifiés. Selon le témoignage des conducteurs de train, près de 50 personnes se trouvaient à bord. Sur la plaque commémorative on peut lire ces mots très parlants sur ce terrible crime: «Il ne faut pas craindre les hommes, il faut craindre l'inhumain dans les hommes».
Slavica Valcic, qui a vu cette terrible tragédie de ses propres yeux il y a 20 ans, déclare qu'elle ne peut pas s'imaginer qu'une personne dotée d'une conscience puisse souhaiter un tel sort à un être humain. «Qu'est-ce que je peux vous dire d'autre. Seulement que Grdelica et ses habitants n'oublieront jamais. Nous sommes tous en colère contre l'Amérique et l'Otan», conclut-elle.