Deux mois après la tentative de perquisition dans les locaux de Mediapart, le 4 février dernier, dans le cadre de l'affaire Benalla, le journal a annoncé avoir intenté un procès devant le tribunal de Paris.
«Nous demandons au tribunal de juger qu'en ordonnant cette action infondée, déloyale et disproportionnée, le procureur de la République de Paris a engagé la responsabilité de l'État en violant la protection accordée au secret des sources et en entravant la mission journalistique de Mediapart», indique Edwy Plenel, cofondateur et président du site.
Mediapart demande notamment la condamnation de l'État à lui verser un euro à titre de dommages et intérêts ainsi que la publication, sur le site du ministère de la Justice, d'un communiqué indiquant notamment:
«Par jugement en date du […], le tribunal de grande instance de Paris a condamné l'agent judiciaire de l'État à indemniser Mediapart du préjudice causé par la tentative de perquisition dans ses locaux le 4 février 2019, portant gravement atteinte à sa réputation et à la protection du secret des sources journalistiques.»
Toujours selon Edwy Plenel, deux procureurs accompagnés de trois officiers de police judiciaire s'étaient présentés le 4 février dans les locaux de Mediapart pour annoncer «une visite domiciliaire, en d'autres termes une perquisition». Toutefois, Fabrice Arfi, co-responsable du pôle enquête, avait constaté que la perquisition n'avait pas été, au préalable, autorisée et s'y était opposé.
Edwy Plenel fait remarquer que la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) avait déjà «condamné la France à deux reprises pour des perquisitions effectuées sur le lieu de travail des journalistes (en l'espèce le Midi libre et L'Équipe), en raison de leur caractère disproportionné». Cette tentative de perquisition avait été entreprise dans le cadre d'une enquête préliminaire dont l'ouverture «était un acte politique», note-t-il.
Ainsi, «elle n'a pas de fondement juridique, elle ne repose sur aucune information crédible, elle ne concerne en aucun cas le travail de Mediapart, elle témoigne d'un dysfonctionnement du service public de la justice aggravé par un détournement de procédure».
Non seulement Mediapart n'a commis aucune des infractions visées par l'enquête préliminaire, mais de plus il ne peut même en être suspecté, fait-il remarquer.
«La tentative de perquisition de Mediapart, résume notre assignation, a suscité un grand émoi dans la profession de journaliste et bien au-delà dans l'opinion en créant le sentiment que la liberté d'enquête de la presse était désormais en péril.»
«Même si elle n'a pas pu aboutir, elle a été ressentie comme une pression, voire une menace, à l'encontre d'un journal et de ses sources enquêtant sur des affaires sensibles pour le pouvoir exécutif», ajoute Edwy Plenel.
Mediapart rappelle qu'il a subi un «grave préjudice» dont la responsabilité incombe à un procureur soumis au pouvoir exécutif et demande à la justice «de rappeler l'effectivité et l'importance de la liberté de la presse, et du secret des sources journalistiques».
«Même si son exécution a été finalement empêchée, cette décision de perquisitionner les locaux de Mediapart est une attaque frontale contre notre travail d'enquête», indique Edwy Plenel.
Mediapart avait précédemment publié une série de révélations liées à l'affaire Benalla. Dans l'une des dernières publications, parue le 2 avril, le site a écrit que, d'après ses informations, la société France Close Protection (FCP) — à qui ce média attribue la conclusion de contrats de sécurité avec deux oligarques russes — aurait loué pour 14.500 euros une villa à Marrakech, au Maroc, pour le compte d'Alexandre Benalla.