Il n'y a pas de hasard, il y a juste un concours de circonstances… à l'extérieur, les Champs-Élysées se figent et s'enferment en attendant le défilé «jaune». À l'intérieur du Grand Palais, l'art «rouge» se répand sur les murs à travers un esthétisme idéologiquement cohérent.
Certainement, l'exposition «Rouge. Art et utopie au Pays des Soviets» a été, comme toute exposition qui se respecte, initiée quelques années auparavant, quand la couleur jaune n'était une couleur et non une association d'idées. Mais les aléas du calendrier ont fait que l'exposition sur l'art né avec la Révolution russe vient d'ouvrir ses portes le 20 mars, en pleine crise sociale française.
Georgi Roublev (1902 - 1975)
"Le Premier Tracteur d'Ukraine", 1931. Collection Roman Babichev
Georgi Roublev (1902 - 1975)
"Le Premier Tracteur d'Ukraine", 1931. Collection Roman Babichev
Georgi Roublev (1902 - 1975)
"Le Premier Tracteur d'Ukraine", 1931. Collection Roman Babichev
Si le mouvement des Gilets jaunes se caractérise par un côté peu structuré, du côté de «Rouge», un accompagnement serait bienvenu pour être guidé à travers les salles qui regroupent «plus de 400 œuvres dont la plupart jamais montrées en France» L'exposition se veut être un patchwork de différentes disciplines artistiques, de la peinture aux arts appliqués, articulés autour une ligne conductrice immuable: l'histoire du pays des Soviets.
Et c'est l'objet de la deuxième partie de l'exposition, avec les créations des années 1930-40, qui fait le plus mal. Nicolas Liucci-Goutnikov, commissaire (le mot est enfin tout à fait approprié) de l'exposition et conservateur du Centre Pompidou, met en scène les projets les plus utopiques de la période. Notre malheur, à nous, est que ces projets d'«architecture de l'avenir radieux» se réalisent petit à petit à travers le monde… non pour le bonheur du peuple revendiqué par les bolcheviks, mais au nom de la course effrénée au veau d'or. Dommage que le spectateur français, qui n'a pas vécu le totalitarisme soviétique, ne puisse pas saisir le décalage entre le quotidien vécu et «l'avenir radieux» exposé dans les documentaires projetés dans le cadre de l'exposition. Le sous-titrage à lui seul ne suffit pas à rendre compte de l'écart entre le cynisme de ces bonnes intentions «au nom du peuple» et la réalité.
Et le printemps parisien reste multi-culture et multi-couleur, puisque le Musée d'Orsay vient d'inaugurer sa nouvelle exposition, «Le modèle noir, de Géricault à Matisse», qui se tient jusqu'au 21 juillet.
«Rouge. Art et utopie au pays des Soviets» au Grand Palais, Paris — jusqu'au 1er juillet 2019