Celle-ci semble être tombée à plat [1]. Au-delà du succès ou de l'insuccès d'Emmanuel Macron se cache néanmoins une stratégie politique des plus discutable: construire une opposition imaginaire entre «progressistes» et «nationalistes». Cette stratégie révèle une impasse: celle de la stratégie personnelle de Macron, de plus en plus isolé en France comme en Europe.
Une opposition imaginaire?
Emmanuel Macron construit une scène européenne qui serait dominée par deux camps irrémédiablement opposés, les «nationalistes» d'une part, représentés par MM. Orban et Salvini, et les «progressistes», dont il espère bien être le Hérault. Il attaque les premiers, auxquels il reproche de vouloir le «retrait de l'Europe», et d'être «sans solutions». Notons ici une première contradictions: soit les «nationalistes» réels ou imaginaires, veulent le « retrait » de l'Europe, et donc ont formulé des propositions en ce sens, soit ils sont «sans solutions». Mais les deux ne sont pas conjointement possibles. Qu'Emmanuel Macron n'approuve pas les solutions qui pourraient être proposées par les «nationalistes» se conçoit. Mais il doit les combattre et non les nier. En combinant les deux, Emmanuel Macron détruit la crédibilité de son propos.
D'un autre côté, il y a Matteo Salvini, le charismatique chef de la Lega italienne et ci-devant Ministre de l'intérieur. Porté par sa montée dans les sondages, il fait figure d'opposant numéro un à la politique d'Emmanuel Macron. Son populisme peu utiliser des figures du nationalisme, mais pas plus que ce que peut faire, quand il est poussé dans ses retranchements, Emmanuel Macron lui-même. D'ailleurs, quelle pourrait être la base d'un «nationalisme» italien? Quelles sont les revendications de ce «nationalisme», les terres irrédentes qu'il pourrait réclamer? Nul ne le sait. Par contre, il est clair que le projet politique de Mattéo Salvini n'est pas celui de Viktor Orban. C'est un projet plus social, plus déterminé aussi par les particularités de l'Italie. Si une alliance entre les deux hommes peut se former, ce ne sera qu'une alliance de circonstance.
Une construction politique
Alors, pourquoi Emmanuel Macron parle-t-il des «nationalistes» dans se lettre comme dans ses discours? On voit bien qu'il aimerait reproduire à l'échelle de l'Europe le hold-up qu'il a réalisé à l'élection présidentielle de 2017. Se construire une posture de progressiste, au prix de l'éborgnement et de la mutilation de dizaines de manifestants, de ruptures avec la logique de l'état de droit, et de diverses barbouzeries dont le meilleur exemple est l'affaire Benalla, pour affronter un camp imaginaire des «nationalistes», ceux qui auraient précipité l'Europe dans la guerre. Ce qu'Emmanuel Macron veut faire, c'est mettre en scène un affrontement entre le «bien», qu'il représenterait bien évidemment et le «mal», soit tous ses adversaires.
Un esprit sain et raisonnable en déduirait que la France a besoin de se construire des alliances, et qu'elle doit faire cause commune avec les pays qui contestent cette hégémonie allemande. Emmanuel Macron a choisi, au contraire, de se lancer dans cette escalade verbale dont il espère tirer quelques bénéfices. Il le fait avec une méthode discutable, en s'adressant aux électeurs des autres pays de l'Union européenne par dessus la tête de leurs propres gouvernements. La fraîcheur de la réception se sa missive ne traduit que trop bien l'agacement de ceux avec qui il aura besoin, un jour ou l'autre, de négocier.
Emmanuel Macron en son miroir
De fait, on peut s'interroger pour savoir si la lettre d'Emmanuel Macron était bien destinée aux européens. A la lire attentivement, on trouve bien plus de réminiscence du débat français que d'intentions européennes. Car, les grands projets d'Emmanuel Macron, dépourvus de concrétisations réelles, sont condamnés à l'échec. Mais il en a probablement conscience. L'important pour lui est de faire ces propositions quitte à revenir se lamenter devant l'électeur français pour lui dire à quel point les autres, les autres européens, sont ingrats et ne comprennent pas ce qui serait pourtant dans leur propre intérêt: faire d'Emmanuel Macron le grand chef de l'Union européenne.
Car cette réalité est là: il apparaîtra aux yeux de l'histoire comme l'un des pires dirigeants français depuis plus d'un siècle, et pourtant notre pays qui ne fut pas avare en grands hommes ne le fut pas non plus en dirigeants médiocres, voire bas et ridicules. Une leçon ici s'impose: Emmanuel Macron croyait gouverner par l'art de la communication. Mais au lieu de dominer celle-ci il l'a laissée prendre les commandes et il laisse éclater au grand jour son immense narcissisme.
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