Sergueï Lavrov a rencontré les représentants des deux principaux adversaires parmi les monarchies du Golfe, écrit le quotidien Izvestia. Hormis le dossier syrien, le chef de la diplomatie russe a abordé avec eux les problèmes de sécurité dans la région, a appelé à déployer des efforts communs pour régler les problèmes d'actualité, tout en évoquant les perspectives des relations bilatérales de Moscou avec Doha et Riyad.
Le Golfe est agité
A un moment donné, Riyad est même parvenu à la conclusion qu'il n'était plus possible de vivre dans le même désert que le Qatar, et a menacé de creuser un canal pour isoler l'émirat de la péninsule arabique. Et même si pour l'instant la géographie naturelle n'a pas été perturbée, cette division dans le golfe Persique impacte fortement la stabilité et le règlement de différents conflits dans la région.
«Le règlement des divergences locales pourrait non seulement réduire le potentiel de conflit entre les acteurs directs du litige, mais également dénouer bien d'autres nœuds problématiques liés de près ou de loin à la position des pays du Golfe. La normalisation des relations entre l'Arabie saoudite et le Qatar ferait baisser la tension avec l'Iran, ce qui se refléterait très favorablement sur la situation post-conflit en Syrie où le facteur iranien joue un rôle-clé», explique Viatcheslav Matouzov, orientaliste et ancien diplomate.
La guerre et l'émir
A Doha, le chef de la diplomatie russe s'est entretenu avec l'émir du Qatar Tamim ben Hamad al-Thani, ainsi qu'avec le ministre des Affaires étrangères Mohammed ben Abderrahmane al-Thani et le ministre de la Défense Khaled ben Mohammed al-Attiyah, qui sont également vice-premiers ministres.
Malgré tous les efforts de Moscou, le Qatar n'est pas encore prêt à saluer l'éventuel retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe. Selon le chef de la diplomatie qatarie, Doha ne voit toujours pas de «changements sur le terrain» susceptibles de faire changer sa position. Toutefois, les deux ministres sont convenus que seule la voie politique permettrait de régler le conflit syrien.
Cependant, la situation pourrait évoluer grâce au grand progrès accompli sur la question syrienne depuis un an. Sergueï Lavrov a rappelé que le Comité constitutionnel syrien, créé après le Congrès du dialogue national syrien à Sotchi en janvier 2018, serait convoqué très prochainement.
«Nous achèverons le travail entamé au format d'Astana. Je suis convaincu que nos collègues de l'Onu ont conscience de leur responsabilité dans la réunion au plus vite de ce mécanisme», a noté le ministre russe des Affaires étrangères en conférence de presse.
De son côté, Mohammed ben Abderrahmane al-Thani a apprécié les efforts russes pour régler le problème israélo-palestinien. Selon lui, la Russie essaie d'influencer positivement tous les acteurs impliqués dans le processus pour qu'au final ce conflit soit réglé dans le cadre politique. Doha soutient entièrement cette approche, a affirmé le ministre qatari.
Le ministre russe a également rappelé l'initiative de paix de Moscou pour la création d'un mécanisme de sécurité dans le Golfe avec la participation de tous les pays de la région, Iran y compris. Mais pour cela, les parties doivent d'abord s'asseoir ensemble à la table des négociations. Selon le diplomate qatari, ses adversaires ne sont pas prêts à le faire. Le ministre a affirmé que Doha était prêt à lancer le dialogue à tout moment si la partie adverse en exprimait la volonté.
Dans les conditions du blocus, le Qatar s'est adapté aux nouvelles réalités et a même lancé son propre secteur agricole. Comme il y a 18 mois, la dernière fois que Sergueï Lavrov s'était rendu dans l'émirat, sur la porte de chaque magasin du Souq Waqif, le marché central de Doha, se trouve une pancarte annonçant fièrement: «Oui — des produits du Qatar et des pays amis».
Si, pendant la dernière visite, il était possible de trouver des produits saoudiens sur les échoppes, c'est devenu extrêmement difficile, voire impossible à présent. En revanche, les Qataris ne manquent certainement pas de produits d'Iran, d'Inde, de Chine, des USA, d'Oman et de Palestine.
Après le Qatar, où l'émir Tamim surveille son pays du haut des milliers de portraits installés partout, des gratte-ciels aux boîtiers d'extincteurs, Sergueï Lavrov s'est rendu en Arabie saoudite. A Riyad, le ministre est arrivé littéralement armé de pied en cape. Manifestement pour appuyer la déclaration concernant l'intention de développer la coopération militaro-technique, les autorités qataries ont offert au ministre russe un ancien mousquet de bois, avec lequel il s'est rendu dans la capitale saoudienne.
Le ministre russe des Affaires étrangères a rencontré son homologue Adel al-Joubeir dès sa descente de l'avion. Leurs pourparlers ont suivi presque en tout point l'ordre du jour qatari. Sergueï Lavrov s'est de nouveau efforcé d'expliquer, cette fois à Riyad, pourquoi le retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe était si important, et a exprimé la position de Moscou concernant le règlement du conflit dans ce pays.
Comme l'a expliqué Adel al-Joubeir en conférence de presse, Riyad n'est pas encore prêt à rouvrir son ambassade à Damas mais salue le processus de paix en Syrie. Selon lui, la question de la mission diplomatique est liée au progrès du processus de paix, et l'Arabie saoudite soutient toutes les actions visant à mettre un terme à la guerre syrienne.
Adel al-Joubeir a semblé plus diplomatique que son homologue qatari quand il s'est agi de commenter la discussion à venir sur le retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe. Il a déclaré qu'il était «encore trop tôt pour parler d'une position définitive de Riyad».
Les deux interlocuteurs ont également abordé le problème de la sécurité et de la stabilité dans le Golfe. Sans pour autant s'arrêter sur les acteurs concrets de la crise régionale pendant la conférence de presse. Après avoir évoqué le conflit israélo-palestinien, le Yémen et les problèmes de l'Afrique du Nord, Sergueï Lavrov et son homologue ont accordé une attention particulière aux relations bilatérales.
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.