Si la Russie, l'Ukraine et l'UE ne s'accordent pas sur un nouveau contrat de transit d'ici fin 2019, l'Europe pourrait subir des interruptions d'approvisionnement en gaz, tout comme en janvier 2009, a déclaré, le 18 janvier, Andreï Kobolev, président de la société ukrainienne de transport et de traitement du pétrole et du gaz Naftogaz.
«Le besoin de signer un contrat entre Gazprom et Naftogaz pourrait être repoussé autour du mois d'avril 2020 puisque les stocks et le GNL pourraient compenser les pénuries jusque-là», a-t-il précisé.
Selon M.Bros, d'ici à la fin de l'année, l'UE peut augmenter ses stocks de 15 milliards de mètres cubes par rapport au mois de décembre 2018, ce qui lui permettrait de «mitiger ce risque de transit».
Des positions irréconciliables?
Une réunion trilatérale entre la Russie, l'Ukraine et l'UE au sujet de l'avenir du transit du gaz russe qui s'est tenue le 21 janvier ne s'est pas conclue sur une avancée. Pour le moment, Moscou et Kiev ne parviennent à s'accorder ni sur la durée du contrat, ni sur le volume, ni encore sur les tarifs du transit.
Thierry Bros estime que «la seule option économique» pour l'Ukraine est un contrat de dix ans ou plus au montant d'un milliard d'euros par an pour des volumes jusqu'à 100 milliards de mètres cubes par an tandis que Gazprom «serait disposé à éviter un engagement à long terme». Après la rencontre du 21 janvier, le ministre ukrainien de l'Énergie a déclaré que la partie russe insistait sur la prolongation du contrat de 2009.
«Un résultat probable serait un contrat [pour le volume de, ndlr] de 60 à 100 milliards de mètres cubes, un milliard d'euros par an fixé, à durée de 10 ans avec une révision à l'issue de cinq ans», conclut l'expert.
Plus tard, la compagnie ukrainienne a porté une nouvelle plainte réclamant encore 11,58 milliards de dollars (environ 10 milliards d'euros) à Gazprom. La première audience concernant ce dossier s'est tenue le 28 janvier devant la cour d'arbitrage de Stockholm. Auparavant, Naftogaz avait déclaré qu'il retirerait cette plainte si Moscou acceptait les conditions de Kiev concernant un nouveau contrat de transit.
D'autres facteurs pourraient empêcher les parties en présence de conclure un nouvel accord avant le 31 janvier 2019. Il s'agit, notamment, des élections présidentielles ukrainiennes qui doivent avoir lieu le 31 mars et des européennes prévues pour le mois de mai. De plus, Maros Sefcovic, vice-président de la Commission européenne chargé de l'Union énergétique, qui représente l'UE aux négociations, s'apprête à lancer sa propre campagne électorale en vue des présidentielles slovaques.
Stratégie de diversification des voies de transit
Consécutivement aux interruptions du transit du gaz russe par le territoire ukrainien en 2006 et 2009, la Russie et ses partenaires européens ont procédé au développement de routes alternatives de livraisons pour le contourner.
La Russie s'apprête à lancer, d'ici fin 2019, le gazoduc Nord Stream 2, d'une capacité de transfert de 55 milliards de mètres cubes. Il peut permettre de diminuer les volumes du gaz transités par l'Ukraine jusqu'à 25 mmc par an par rapport aux 77 mmc de 2018.
Néanmoins, comme l'indique M.Bros dans un article publié en novembre 2018 dans Quarterly Gas Review, Nord Stream 1 n'a atteint sa pleine capacité que quatre ans après ses débuts. Selon l'expert, il faudrait le même délai pour que Nord Stream 2 ne devienne complètement opérationnel.
D'ailleurs, Vladimir Poutine avait auparavant indiqué que le projet Nord Stream 2 n'était pas une alternative au transit du gaz par le territoire ukrainien. Après sa rencontre avec le chancelier autrichien, Sebastian Kurz, en février dernier, le Président russe a déclaré que la Russie pouvait continuer à travailler avec l'Ukraine si Kiev présentait «des paramètres économiquement sains pour l'utilisation de son système de transport de gaz».