Au bord d'une route poussiéreuse qui court à flanc de montagne, des dizaines de femmes, marteau de fabrication artisanale à la main, concassent des pierres à longueur de journée sous un soleil de plomb. Nous sommes au lieu-dit Missenglio I, à la périphérie de Maroua, la capitale régionale de l'Extrême-Nord du Cameroun, frappée de plein fouet par les exactions des djihadistes de Boko Haram. C'est là que ces femmes réduisent des cailloux en gravier, qu'elles revendent pour les travaux de construction. Marie, 57 ans et mère de cinq enfants, a été abandonnée par son époux. Elle a trouvé refuge ici et effectue ce travail laborieux depuis cinq ans déjà pour nourrir sa famille.
«Depuis que mon mari m'a quittée, je suis la seule à prendre soin des enfants. Je n'ai pas trouvé mieux à faire. Je casse les graviers, comme vous voyez, et je les vends pour obtenir un peu d'argent», nous explique-t-elle tout en frappant frénétiquement sur une pierre.
«Il y a des jours où je gagne 2.000FCFA [trois euros, nldr], les autres jours même 3.000 ou 4.000FCFA [six euros, ndlr] quand mes enfants viennent m'aider à casser. Mais c'est très compliqué, le soir quand tu rentres tu as des blessures à la main à cause du marteau et le mal de dos», précise-t-elle en nous montrant ces doigts amochés par les multiples blessures.
Non loin de Marie, autour d'un autre tas de graviers, Djamilatou, 18 ans, en compagnie de son frère cadet, a la tête à fond dans le travail. Elle ne va pas à l'école depuis quatre ans déjà, faute de moyens financiers.
«J'ai été obligée d'arrêter les études en classe de 5e à cause de problèmes financiers. Mes parents sont pauvres et je casse les pierres avec mon frère pour leur venir en aide», nous confie-t-elle en levant nonchalamment la tête pour nous jeter un regard furtif.
À l'inverse des jeunes de leur âge, Djamilatou et son frère se lèvent de bonne heure, non pas pour aller à l'école, mais pour se rendre au pied de la montagne concasser les pierres. La jeune fille nourrit néanmoins le rêve de faire un autre métier.
«J'aimerais faire une formation pour être infirmière et soigner les gens. C'est ce que j'aime. J'espère que Dieu va me permettre d'y arriver», murmure-t-elle, toute souriante.
«C'est très dangereux ici. Souvent, les gros morceaux tombent au-dessus de nos têtes ou la terre même peut nous recouvrir ici.»
Des dangers qui ne freinent pas pour autant Adjawa, déterminée au quotidien à gagner sa vie et à prendre soin de sa progéniture.
«J'ai quatre enfants et c'est le seul moyen pour moi de les nourrir. Leur père ne travaille pas et je ne peux pas rester comme ça et les laisser mourir de faim», nous dit-elle.
Une fois les tas de graviers collectés, les casseuses revendent leur butin en camion aux acheteurs venus des différents chantiers de la ville. Pour une meilleure organisation de l'activité, les casseuses de pierre de Missenglio se sont réunies en association.
«Nous cotisons entre nous pour acheter le matériel de travail et quand on reçoit les aides des ONG, on met l'argent dans la caisse qui permettra de nous équiper ou à nous soigner», nous relate, Sadjo, l'une des responsables de l'association.
À la périphérie de Maroua, dans cette zone riche en paysage pierreux, tous les flancs de colline ou presque sont investis par des centaines de femmes casseuses de pierre. Une activité singulière dans une région tourmentée par une crise sécuritaire et qui peine à renaître.