Bébés nés sans bras dans l'Ain: «l'État est complice de la désinformation»

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Tentant d'éteindre la polémique, le ministère de la Santé a présenté le 15 novembre son plan de bataille pour percer les mystères des «bébés nés sans bras». Mais avec six registres, la France accuse un lourd retard dans la surveillance des malformations. Élisabeth Ruffinengo avait lancé l'alerte sur ce dossier.

«Mieux vaut tard que jamais», soupire Élisabeth Ruffinengo, responsable plaidoyer WECF France.

Son association avait, avec quatre autres, adressé une lettre ouverte début octobre aux autorités de la région Auvergne-Rhône Alpes, ainsi qu'au directeur de l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire), demandant «au plus vite» de lancer des «études de terrain».

«C'est tard. C'est toujours gênant de voir qu'il faut attendre très longtemps pour ce genre d'enquête. Les signalements ont été faits depuis plusieurs années pour des malformations graves chez l'enfant. On estime qu'avec des cas comme ça, une réaction des autorités devrait être automatique et appropriée», se désole Élisabeth Ruffinengo, jointe par téléphone.

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C'est désormais chose faite… ou presque. Assurant qu'il n'y a pas d'épidémie en France, le directeur général de la Santé Jérôme Salomon a déclaré, jeudi 15 novembre, que «lorsque la fréquence est anormale très localement, il faut investiguer», avant de détailler les modalités de l'enquête relancée le 21 octobre.

Alors que dans l'Ain, Santé publique France (SPF) a recensé 11 nouveaux cas suspects, l'étude a été confiée au registre Remera. Mais Emmanuelle Amar, sa présidente et lanceuse d'alerte, a jugé «impossible» l'enquête, étant donné que SPF «n'a rien sur eux: pas de dates de naissance, pas d'identités, pas de noms de maternité».

C'était ce même département qui n'a pas retenu l'attention des autorités sanitaires, n'y voyant aucun «cluster», et donc aucune raison d'enquêter. Pour Michèle Rivasi, eurodéputé EELV, rencontrée le 23 octobre, cette affaire montre «un dysfonctionnement en France dans la surveillance des malformations».

«Avec l'affaire des malformations de l'Ain, l'État est complice de la désinformation, de la non-information. Si l'État voulait savoir, il développerait les registres des malformations. Le fait de ne pas mettre en place, c'est une volonté de ne pas savoir.»

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À ce jour, rien n'explique les causes des excès de cas repérés par les registres des malformations congénitales dans l'Ain, en Bretagne et en Loire-Atlantique… Mais le fait qu'il n'y ait pas de registre à l'échelle nationale complique les choses. «Il y a déjà des lacunes en termes géographiques. Toutes les zones ne font pas l'objet de registre», déplore Élisabeth Ruffinengo.

«Le fonctionnement de chaque registre n'est peut-être pas harmonisé. Les moyens à leur disposition ne sont peut-être pas appropriés. Les liens avec les registres sanitaires semblent fonctionner de manière un peu bancale, un problème qu'a souligné le Romera.»

L'eurodéputée Michèle Rivasi, l'une des premières à alerter sur ces malformations et l'inaction générale explique que «depuis 1986, il y a eu une amélioration sur les registres de cancer», suite à la catastrophe de Tchernobyl, dont elle avait également dénoncé «les mensonges». Par contre, sur les registres des malformations «on est en retard d'un métro» et elle dénonce «une politique du pas vu, pas pris […] On ne mesure pas, donc on dit qu'il n'y a rien»:

«Pourquoi la France est très en retard, par rapport à d'autres pays européens? Au moment de Tchernobyl, quand j'ai dénoncé le mensonge, la France était déjà en déficit sur les registres de cancers. Or, quand vous voulez savoir pourquoi dans région il y a plus de cancers, pourquoi dans telle autre il y en a moins, etc. ça vous permet d'identifier la raison et la cause de cette augmentation de cancer.»

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Pour percer les mystères de l'affaire dite des «bébés nés sans bras», au nombre de 21 désormais, un comité scientifique national «avec différentes personnalités incontestables» va être constitué. Il devra rendre un premier rapport préliminaire le 31 janvier 2019.
«Un rapport final devra être prêt pour le 30 juin 2019», a ajouté Jérôme Salomon, le Directeur général de la santé (DGS), qui a tenu à délivrer un message rassurant et jouer la carte de la transparence, même si cela n'a pas toujours été le cas: «une restitution des informations sera communiquée aux familles, à l'occasion de réunions publiques, pour qui ces événements provoquent de vraies souffrances.»

 

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