Les motivations obscures derrière le retrait américain d’un traité nucléaire avec Moscou

© AFP 2024 Brendan Smialowski US President Donald Trump casts a shadow as he addresses a press conference on the second day of the North Atlantic Treaty Organization (NATO) summit in Brussels on July 12, 2018.
US President Donald Trump casts a shadow as he addresses a press conference on the second day of the North Atlantic Treaty Organization (NATO) summit in Brussels on July 12, 2018. - Sputnik Afrique
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Alors que l’annonce du retrait américain d’un traité nucléaire avec Moscou conclu pendant la guerre froide a produit l’effet d’une bombe, de nombreuses zones d’ombre entourent cette initiative. Quelles sont les motivations américaines et quelles démarches envisagent-ils de prendre? Éléments de réponse.

Après 30 ans d'existence, le Traité russo-américain sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) est remis en question. Il en est de même pour la sécurité globale, car les démarches ultérieures envisagées par Donald Trump en matière d'armement sont loin d'être limpides.

En annonçant son intention de sortir de cet accord, le Président américain a accusé Moscou de ne pas le respecter, mais a également exigé de lier par des engagements la Chine, qui n'est pas partie prenante au Traité. Et avant d'en arriver là, a-t-il menacé, Washington continuera d'accroître son arsenal nucléaire. En visite dans la capitale russe, le conseiller de la Maison Blanche à la Sécurité nationale, John Bolton, a défendu la décision de Donald Trump en assurant que les États-Unis n'avaient pas d'intention de déployer de nouveaux missiles en Europe dans un avenir proche, comme ce fut le cas en 1983. Mais pourquoi alors chercher à dénoncer le document si ce n'est pas pour s'armer? Et où installer alors les missiles dont la portée est limitée à 5.500 km, ce qui est de loin inférieur à la distance entre la Russie et les États-Unis?

La Chine dans le viseur?

«Les Américains laissent entendre que leur source de préoccupation c'est plus la Chine que la Russie. Ils cherchent à défendre Taïwan, leurs alliés, et pour ça, ils ont besoin de missiles», explique à Sputnik Evgueni Boujinski, vice-président du Centre russe des études politiques (PIR) et vice-président du Conseil russe pour les affaires internationales.

«Mais du point de vue militaire, les Américains ont suffisamment de Tomahawk embarqués, suffisamment de missiles air-sol. Leur besoin de moyens terrestres n'est pas clair», observe-t-il.

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Le fait que les États-Unis sont déjà militairement très présents en Asie-Pacifique fait ressurgir la question des objectifs américains dans la zone. «La valeur de nouveaux systèmes à portée intermédiaire est biaisée compte tenu du potentiel militaire dont Washington dispose dans la région», ajoute de son côté Viktor Mizine, expert en sécurité internationale et politologue de l'Institut d'État des relations internationales de Moscou. Il précise qu'environ 60% des forces navales américaines sont déployées dans le Pacifique et rappelle le contexte dans lequel s'inscrit l'intention de Donald Trump de dénoncer le Traité FNI.

«Le Pentagone se prépare sérieusement à la confrontation avec la Chine, dont la puissance militaire n'a de cesse d'augmenter, appuyée par sa croissance économique. Elle se transforme réellement en puissance militaire», estime l'expert.

Le géant asiatique a en effet considérablement musclé son budget de Défense ces dernières années. Selon un rapport rédigé par les experts de l'Institut international pour les études stratégiques (IISS), basé à Londres, la Chine a dépensé en 2017 un total de 151 milliards de dollars pour son armée. En 2018, ce chiffre doit encore augmenter de 8,1%, selon un rapport publié à l'ouverture de la session de l'ANP, le parlement chinois.

«La Chine a un puissant programme d'armement, mais elle n'attaquera jamais les États-Unis, car elle n'en a pas besoin. Elle a des disputes territoriales avec ses voisins, ça oui. Et les Américains utilisent ce prétexte», explique Evgueni Boujinski.

Mais s'il va jusqu'à déployer des missiles, il faudrait avant tout obtenir le feu vert des pays susceptibles de les accueillir. «La Corée du Sud, le Japon? Je ne pense pas que la population locale soit heureuse de les voir chez elle quoi qu'en disent les autorités», estime Viktor Mizine.

Vers une nouvelle course aux armements?

Où que soient installés les systèmes américains, la perspective même de leur apparition a fait monter les tensions d'un cran, et surtout en Europe. L'initiative de Donald Trump s'est attirée les foudres de plusieurs capitales, dont Moscou, Bruxelles, Paris et Berlin. Le Kremlin a dénoncé la perspective d'une nouvelle «course aux armements», faisant savoir que la Russie défendrait sa sécurité nationale. Sergueï Choïgou, le ministre russe de la Défense, a pointé du doigt le «niveau inédit depuis la guerre froide» que l'activité militaire de l'Otan a atteint près des frontières russes. Assurant que Moscou ne voudrait pas se laisser entraîner dans une course aux armements, il a tout de même affirmé que l'intention de la Pologne de déployer sur son territoire une division blindée permanente de forces américaines pousserait la Russie à «prendre des mesures de riposte pour neutraliser une éventuelle menace militaire».

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Impossible que Trump ignore les conséquences du retrait américain. Qui plus est, la posture adoptée par Washington est pour le moins obscure. John Bolton a reconnu que les États-Unis n'avaient pas eux-mêmes encore élaboré leur position quant au retrait ni à la nouvelle version du Traité FNI. Les autorités américaines n'ont pas non plus déposé de note attestant de leur sortie, ce qui aurait pu donner l'espoir qu'il ne s'agissait que d'une nouvelle manœuvre d'intimidation censée donner des points à Donald Trump lors des élections de mi-mandat prévues le mois prochain. Or, après deux jours de négociations avec le conseiller de la Maison-Blanche à la Sécurité nationale, le Kremlin a apporté des précisions.

«De ce que nous avons pu comprendre, la partie américaine a pris la décision et formalisera sa sortie dans un avenir proche», a déclaré ce mercredi le porte-parole de la présidence russe.

Compte tenu du nombre de traités internationaux dont Donald Trump a réussi à se retirer en à peine deux ans de présidence, il ne serait pas étonnant que le Traité FNI ne soit pas le dernier dans cette liste.

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