Dans les médias, le condamné Oleg Sentsov est obstinément qualifié de «réalisateur» même s'il n'a tourné qu'un film amateur en 2011 — loin de lui avoir apporté la gloire, contrairement au groupuscule sous sa direction qui s'apprêtait à faire exploser la Flamme éternelle avec des bombes artisanales dans un parc de Simféropol le 9 mai.
Cela ressemble à de la schizophrénie, mais il n'en est rien.
Simplement, la communauté artistique en Russie est la seule «minorité persécutée» reconnue. L'unique martyr officiel de l'histoire nationale et Communauté des victimes. C'est pourquoi elle exige de l'État des centaines de concessions et de privilèges — et qu'elle en reçoit beaucoup.
A noter que la «bataille pour le titre de victimes privilégiées» est un phénomène mondial. Mais paradoxalement, dans les pays où le politiquement correct semble avoir remporté la victoire, l'ardeur de cette bataille est bien plus intense qu'en Russie.
Par exemple, en ce moment, un débat enflammé a lieu en France autour de deux rappeurs qui représentent à la fois deux minorités à responsabilité sociale réduite.
2. Le rappeur noir Nick Conrad passera devant la justice après la diffusion de son clip aux paroles provocantes, qu'il est risqué de citer si l'on ne veut pas s'attirer d'ennuis avec la loi. En résumé, il appelle à tuer les Blancs par différents moyens «pour divertir les enfants noirs de tout âge […] que ça pue la mort, que ça pisse le sang». L'artiste s'est immédiatement entouré d'une armée d'avocats publics incarnés par les médias et les «militants de gauche». Les premiers justifient ses paroles en mettant en avant qu'il est un artiste («en réalité il fait l'apologie de l'amour, simplement vous n'avez pas compris l'idée artistique»), les autres en soulignant qu'en tant qu'Africain, il a historiquement souffert de la persécution des Blancs. Les chances que Conrad soit condamné à une peine sérieuse sont pratiquement nulles.
Deux versions permettent d'expliquer ce phénomène. La première est progressiste: sous la persécution de la majorité, tous les opprimés étaient contraints de souffrir en silence, et à présent ils parlent à voix haute. Par conséquent, l'augmentation du nombre de scandales, de conflits et de haine ouverte envers la majorité est une très bonne chose. Cela signifie que la société devient plus saine puisque chaque opprimé à la possibilité d'exprimer sa douleur et de se battre pour lui-même.
La seconde version est plus simple. La lutte se poursuit et s'élargit tout simplement parce que c'est devenu bénéfique. Parce que l'idéologie de la lutte dans les pays avancés est déjà officieuse, et que si vous y correspondez, vous pourrez facilement en tirer un profit. En quelque sorte, vous brisez la réalité récalcitrante.
D'ailleurs, cela illustre clairement une vérité très simple. Quand un groupe social commence à recevoir des privilèges simplement parce qu'il existe, il est condamné à la dégradation. Si dans la science le génie et le travail peuvent être remplacés par l'appartenance aux «opprimés», c'est que la science va très mal. Si le génie et le travail peuvent être remplacés par l'appartenance à la «caste qui a souffert» dans l'art, ça va très mal pour l'art. La même chose concerne l'élite publique, les affaires, le sport et ainsi de suite.
C'est pourquoi, aussi paradoxalement que cela puisse paraître, ceux qui se battent pour recevoir des préférences officielles pour «leur» caste la condamnent à un triste sort. Voire à une fin sinistre.
*Organisation terroriste interdite en Russie
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