Les propos du président américain, qui affirme n'avoir pas du tout l'intention de décréter des sanctions contre le gazoduc Nord Stream 2 en dépit des récentes déclarations du ministre américain de l'Énergie, paraissent étranges. Peut-être que Donald Trump bluffe, écrit le quotidien Nezavissimaïa gazeta.
Les analystes de Reuters écrivent que les USA ne deviendront certainement pas un leader énergétique après la décision de la Chine d'adopter des taxes de 10% sur le GNL américain à partir du 24 septembre. Selon leurs données, les USA exporteront plus de 28 milliards de mètres cubes de GNL en 2018.
A première vue, Washington devrait être en rage après ces décisions de Pékin. Mais il a annoncé des décisions assez inattendues. Après son entretien avec le président polonais Andrzej Duda, le dirigeant américain a annoncé que les USA ne comptaient pas décréter de sanctions contre les compagnies participant à la construction du gazoduc Nord Stream 2.
«Nous pensons simplement qu'il est regrettable que le peuple allemand paie des milliards et des milliards de dollars pour les hydrocarbures russes. Et je peux vous assurer que cela ne plaît pas au peuple allemand», a expliqué Donald Trump.
Cette déclaration du président américain était inattendue pour deux raisons.
Premièrement, le président polonais Andrzej Duda a dit espérer que les USA stopperaient tout de même la construction du gazoduc Nord Stream 2, parce que cette décision serait bénéfique pour Washington — car la présence du gaz russe sur le marché européen empêche les USA d'y vendre leur GNL.
Deuxièmement, en fin de semaine dernière, le ministre américain de l'Énergie Rick Perry avait déclaré que les États-Unis comptaient adopter des sanctions supplémentaires contre le secteur énergétique russe, ainsi que contre le projet Nord Stream 2. Cette question avait notamment été soulevée pendant l'entretien de Rick Perry avec le ministre russe de l'Énergie Alexandre Novak.
Les experts interrogés reconnaissent que Pékin a infligé un coup dur aux ambitions de Washington, tout en précisant qu'en réalité les USA, avec ou sans la Chine, étaient encore très loin du titre de leader énergétique mondial. «S'il est question des exportations de GNL américain, les USA prennent leurs désirs pour la réalité. Les USA ont des clients pour des quantités très limitées de GNL. En fait, 28 milliards de mètres cubes exportés par an est infime par rapport aux plusieurs centaines de milliards de mètres cubes dont la Chine et l'Europe ont besoin», explique Natalia Miltchakova, directrice adjointe du département analytique Alpari. «Quand le gaz russe sera acheminé en Chine par le gazoduc Sila Sibiri (Force de Sibérie), la Chine n'aura plus besoin de GNL américain», estime l'expert.
La situation autour du Nord Stream 2 est bien plus intéressante. «A mon avis, la principale raison pour laquelle les USA ont renoncé aux sanctions contre les participants au Nord Stream 2 à l'étape actuelle est qu'ils ne veulent pas perdre définitivement leur influence en Europe», suppose l'expert Igor Chestakov de la société FinExpertiza.
Comme l'indique Dmitri Nesvetov, membre du conseil du bureau moscovite d'Opory Rossii, «Trump est un showman politique» et «la plupart de ses répliques et actions visent un effet immédiat, et non une stratégie à long terme. Et elles sont loin de déboucher toujours sur des décisions concrètes, notamment compte tenu de la limite de ses pouvoirs».
«Soit Trump et ses ministres jouent au bon flic mauvais flic, ce qui est tout à fait envisageable. Soit le président et ses subordonnées ne concertent pas leurs actions, ce qui est également possible», ajoute Natalia Miltchakova.
Ilia Jarski pense plutôt que «Trump tente d'induire le public en erreur avec ses déclarations». «Qu'il dise aujourd'hui qu'il n'est pas prêt à causer des problèmes au Nord Stream 2 ne témoigne pas du tout du contraire», avertit l'expert.
D'ailleurs, on a déjà constaté la même attitude vis-à-vis de la Chine auparavant. D'abord les USA avaient invité Pékin pour un nouveau cycle de négociations concernant les différends commerciaux, puis, comme si de rien n'était, l'administration Trump avait adopté de nouvelles taxes sur les importations chinoises, ce qui rendait toute négociation inutile.
«La Russie sortira probablement gagnante de la dégradation des relations commerciales entre les USA et la Chine parce que notre pays, en tant que plus grand producteur d'hydrocarbures, pourrait bénéficier de capacités supplémentaires en matière d'export sur le marché chinois», espère l'analyste Alexeï Antonov de la société Alor.
«Dans un régime de guerre commerciale, les contrats à long terme, et donc la fiabilité des fournitures entre les USA et la Chine, perdent de leur pertinence. Pendant que la balle est dans le camp des USA, la signification de la Russie en tant que principal fournisseur d'hydrocarbures augmente. Pour la Chine, la Russie est un partenaire loyal avec des engagements à long terme», déclare Tamara Safonova, maître de conférences à l'Académie russe de l'économie nationale et du service public auprès du président russe.
Alexeï Antonov précise qu'en cas d'escalade du conflit, dès 2019 les USA pourraient être confrontés à plusieurs sérieuses barrières pour vendre leurs hydrocarbures — aussi bien leur GNL que leur pétrole à l'avenir.
Avant cela, la Chine était devenue le deuxième plus grand acheteur de pétrole américain derrière le Canada. Certains analystes avaient même baptisé ce phénomène «Texas Stream» — qui s'introduit dans de plus de plus de pays et avant tout en Chine.
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