Les USA votent des lois radicales à l’égard de la concurrence, la Russie en sort gagnante

© AP Photo / Ng Han GuanLes USA votent des lois radicales à l’égard de la concurrence, la Russie en sort gagnante
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Certains experts russes, ainsi que les patriotes américains invétérés qui, pour une raison qu'on ignore, vivent en Russie et écrivent sur les réseaux sociaux et dans les médias russes, ont quelque chose à fêter: Trump a décrété des mesures contre les produits chinois en promettant de multiplier par 2,5 les taxes douanières d'ici la fin de l'année.

Il a également averti que si Pékin osait réagir à ces démarches hostiles, des taxes supplémentaires seraient adoptées sur 267 milliards de dollars de marchandises chinoises à titre de représailles.

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Selon la version de plusieurs médias, ainsi que de certains économistes russes, le président américain a tué le «miracle économique chinois» d'un revers de la main, et le monde voit maintenant que le seul moyen de s'assurer une vie décente consiste à lécher avec dévouement et humilité les bottes de Washington. Ils essaient ainsi d'attribuer à la Chine le rôle du frondeur puni après avoir osé défier les États-Unis, même si ce rôle était réservé au départ à la Russie post-criméenne, qui refuse obstinément de s'effondrer sous le poids des sanctions américaines.

Toutefois, le scénario selon lequel les forces politiques proaméricaines, de Lima à Moscou, pourront déclarer que Donald Trump a mis la Chine à genoux et que, par conséquent, la résistance contre les USA est inutile, conviendrait lui aussi aux opposants aux USA. Le fait est que ce scénario ne concorde pas vraiment avec la réalité, c'est pourquoi les récits victorieux sur les exploits du président américain sur la voie de la guerre commerciale sont prématurés.

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En se penchant sur la position de ceux qui croient en la victoire inévitable (ou effective) des USA pour faire le point sur les arguments rationnels, on constate que ces derniers se réduisent à quelques thèses, notamment celle selon laquelle les USA peuvent vivre sans la Chine et, dans l'ensemble, que dans notre monde seule l'économie américaine est «suffisamment grande et diversifiée pour vivre sans commerce du tout». Alors que la Chine se sentirait très mal sans les USA. On entend même dire que la croissance de l'économie américaine est déjà suffisamment importante et stable pour que Trump ignore simplement les pertes de la guerre commerciale contre la Chine. D'ailleurs, cette thèse est appuyée par un fait à première vue incontestable: les marchés boursiers américains sont en hausse malgré la guerre commerciale, contrairement aux places chinoises qui chutent. Autre argument en faveur des USA: étant donné que les exportations américaines vers la Chine sont largement inférieures aux exportations chinoises aux USA, Pékin ne pourra pas réagir par des taxes réciproques d'un même montant. Par conséquent, quoi qu'il arrive, le préjudice que les USA peuvent infliger à la Chine est supérieur à celui des éventuelles contre-mesures chinoises. Et le dernier argument, qui est aussi le plus marquant, met en avant qu'en Chine même on constate une fronde et une colère massive de l'élite chinoise vis-à-vis de la politique antiaméricaine du président Xi Jinping. Ce qui signifie que soit ce dernier sera renversé, soit il sera forcé de se rendre à la merci de Washington.

A première vue, la victoire américaine semble inévitable. Mais il y a une nuance: en y regardant de plus près il s'avère que de nombreux experts américains doutent sérieusement que les perspectives de la domination économique des USA soient aussi roses.

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Commençons par la question de savoir qui a le plus besoin de l'autre. Selon une estimation citée par la BBC, les compagnies américaines écoulent 300 milliards de dollars de produits et de services sur le marché chinois chaque année. L'«étouffement» des compagnies américaines sur le marché chinois par le biais de mesures administratives serait une mesure extrême, mais Pékin le ferait si c'était nécessaire. D'autant que la place libérée sur le marché chinois serait volontiers prise par les entreprises européennes et japonaises, à condition qu'aucun substitut chinois aux produits et services américains ne soit trouvé. De plus, littéralement quelques heures avant l'adoption des taxes, Donald Trump a décidé de rayer de la liste des compagnies visées les produits d'Apple, pensant logiquement que les électeurs pourraient sérieusement se fâcher contre leur dirigeant si le prix des iPhones augmentait. Si la guerre commerciale se poursuivait et, avec elle, augmentait la liste des produits taxés, le président américain ne pourrait bientôt plus ignorer les conséquences politiques de ses actes: la fameuse croissance économique tant vantée par les fans russes de la politique économique américaine est une croissance temporaire (même Moody's le reconnaît) favorisée par une baisse de l'impôt sur la fortune, alors que la hausse des prix des importations chinoises frapperait tous les autres électeurs. En outre, les taxes déjà décrétées sur l'acier et l'aluminium étranger affectent les revenus des constructeurs automobiles comme Ford et General Motors, et l'administration Trump a dû assouplir significativement les sanctions contre les structures de la compagnie Rusal pour empêcher un sursaut des prix de l'aluminium aux USA.

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Ceci étant dit, la thèse selon laquelle l'économie américaine serait entièrement autosuffisante et pourrait se permettre de mener une guerre commerciale contre le monde entier paraît très discutable. Mener une guerre commerciale contre tous est possible, oui, mais pas tout en conservant le niveau actuel de consommation.

L'argument d'une révolte chinoise inévitable et d'une fronde élitaire dont parlent tant les médias occidentaux rappelle beaucoup les annonces d'une «révolte inévitable des élites» qui aurait dû se produire en Russie, selon ces mêmes médias et experts, après l'adoption des sanctions «criméennes». Évidemment, en Chine, tout comme en Russie, une partie de la classe politique et de l'élite économique considère que les «intérêts nationaux» et le «patriotisme» ne veulent rien dire, et voudrait à tout prix revenir au temps où les perturbations géopolitiques n'étaient pas une source de problèmes personnels pour eux. De plus, malgré un contrôle assez ferme du discours public en Chine, les exigences de se rendre à la merci des USA à cause de la faiblesse de l'économie et du système politique chinois attirent une grande attention sociale, notamment sur les réseaux sociaux, et avant tout quand ces exigences sont formulées par des chercheurs connus comme ce professeur de l'université Xinhua de Pékin, qui a écrit un essai viral autour de la thèse «la guerre commerciale sino-américaine a mis à nu la faiblesse et le point faible du système chinois».

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Cependant, en dépit de certains sentiments de fronde, le président Xi Jinping tient fermement le pouvoir entre ses mains, et l'histoire chinoise rappelle à l'élite du pays que les Américains ne veulent certainement pas faire revenir la Chine en 2008. Ils voudraient plutôt la rejeter en 1860, quand elle avait été mise à genoux grâce aux guerres de l'opium. Certes, les événements du XIXe siècle ne sont pas aussi frais dans la mémoire chinoise que la situation des années 1990 dans celle des Russes, mais on ne peut certainement pas dire que l'élite chinoise veut réellement capituler à l'heure actuelle. Il s'agit plutôt d'un choix entre la confrontation brutale et l'attente que le mandat de Donald Trump expire.

Le plus intéressant commencera quand Pékin décidera définitivement que Donald Trump n'est pas la source des problèmes dans les relations sino-américaines, mais uniquement le symptôme d'un conflit inévitable entre la puissance montante et l'hégémonie mondiale actuelle. Toutefois, dès à présent, la Russie tire un profit évident de cette confrontation: en période de partage des sphères d'influence mondiales, le prix du partenariat avec Moscou augmente fortement.

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