«Un tag antispéciste a été retrouvé sur place»: la formule sonne comme une émission de Faites entrer l'accusé, version boucherie. Depuis quelques mois, les bouchers-charcutiers font l'objet d'attaques de la part de groupuscules animalistes, laissant derrière eux vitrines cassées et inscription «stop au spécisme».
La question a été soulevée par le député Louis Aliot (RN) en juillet, avec pour réponse: «Les services du renseignement territorial sont particulièrement vigilants face aux agissements de la frange la plus radicale de ces mouvements et groupuscules». Mais qui sont-ils réellement?
«Les activistes durs, on ne sait pas exactement les identifier, probablement quelques dizaines ou centaines», explique Eric Denécé.
Pour le directeur du Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R) et auteur du livre «Écoterrorisme, altermondialisme, écologie, animalisme, de la contestation à la violence», ils constituent «un terreau préoccupant» et «totalement insuffisamment suivi par les pouvoirs publics, la DGSI et le renseignement territorial».
Cette «menace existe depuis une dizaine d'années en France, et depuis plus longtemps à l'étranger» où dans certains pays, ils sont «sur liste noire»: «Les États-Unis et la Grande-Bretagne ont créé des unités de polices spéciales pour lutter contre des gens-là», poursuit-il.
«Les services de renseignement les observent!», explique Gérald Arboit, directeur de recherche au CF2R, ces «radicaux du mouvement écolo», issus de courants nés dans les années 1960:
«Parmi la mouvance d'extrême gauche, vous avez la mouvance écolo, qui depuis les années 60 est montée en puissance en termes de clientèle, et aussi de violence, comme aux États-Unis, en Allemagne, et maintenant France. Le mouvement végan est une suite.»
«Ces images, on les tourne dans des élevages, des abattoirs, ce sont des faits qui existent et sont justement cachés aux yeux du public. Ce n'est pas la faute des activistes qui essaient de faire bouger les choses et faire évoluer la réglementation et les mentalités. […] Plus on va tuer d'animaux, plus ça va pousser des gens à passer à l'acte.»
«Pour nous, c'est hyper clivant», déplore-t-elle, «Les actions violentes, le caillassage de boucheries, sont très peu au regard des actions organisées par le mouvement vegan». Elle n'exclut pas également la mise en place d'une «entreprise pour décrédibiliser la cause animale», à l'instar cet élu FN qui brûlait des voitures pour dénoncer l'insécurité.
Mais comment ces militants animalistes passent-ils de la contestation à la violence?
«Plus on en parle, plus ça donne envie d'en faire et ça fait parler de la question», estime Mme Gauthière,
rappelant que, paradoxalement, si l'opinion publique avance sur la question du bien-être animal, les lois ne suivent pas: «Du point de vue de la législation, non! On voit que le parlement, et le gouvernement sont aux mains du lobby de l'élevage intensif.»
De peur de voir plus de rouge que de vert, un festival vegan a même été annulé à Calais, le représentant des professionnels de l'alimentation, commerçants, agriculteurs, éleveurs et pêcheurs de la région ayant promis d'aller «au contact».
«C'est démesuré», fustige Brigitte Gauthière. « Est-ce que c'est une décision politique?». «Quand on a un match de foot, on renforce en CRS si on sait qu'il peut y avoir des débordements.»
Politique ou non, le sujet est en tout cas hautement polémique, et jusque dans les couloirs de la RATP: la régie des transports parisiens a récemment modifié une publicité qualifiant les chasseurs de «premiers écologistes de France», estimant qu'elle n'exprime pas «avec justesse l'action de l'annonceur».