Les deux adversaires célèbrent la victoire, mais leurs déclarations optimistes ont des explications bien différentes.
Les représentants russes soulignent que la décision du comité d'arbitrage de l'OMC influence positivement les perspectives du gaz russe sur le marché européen, alors que les diplomates européens (tout comme les médias européens) se réjouissent avant tout du fait que les Russes n'aient pas réussi à faire annuler le Troisième paquet énergie de l'UE. Un peu comme un boxeur heureux d'avoir perdu au score et non par KO. Par ailleurs, c'est la deuxième fois que les arbitres de l'OMC se rangent du côté de la Russie. Très récemment, l'Ukraine a également perdu son procès, et la position de la délégation russe avait même été soutenue par des représentants américains — ce qui avait beaucoup surpris tous les observateurs qui s'attendaient à un tout autre scénario.
Le plus important, d'un point de vue pratique, est la décision de la commission de l'OMC concernant la légitimité des restrictions liées à l'usage du gazoduc OPAL par Gazprom. Ce dossier est une pomme de discorde très ancienne dans les relations russo-européennes, et c'est précisément par le blocage à part entière d'OPAL et la création d'un précédent pour limiter les capacités du gazoduc Nord Stream 2 que des pays comme la Pologne espéraient compliquer au maximum l'activité de Gazprom sur le marché européen en le forçant à utiliser le transit ukrainien ad vitam æternam. OPAL, qui est le prolongement terrestre du gazoduc Nord Stream sur le territoire allemand, avait vu son chargement limité à 50% par les autorités européennes sous prétexte d'une "lutte pour la concurrence, mais en réalité uniquement par désir de saboter les fournitures de gaz russe.
Le comité d'arbitrage de l'OMC a également reconnu comme non conforme aux règles du commerce international l'exigence de la Troisième directive gazière de l'UE sur le règlement particulier de la certification des compagnies possédant les gazoducs européens liés à la Russie ou à Gazprom. C'est étonnant, mais dans le texte de l'analyse finale de la plainte les arbitres soulignent de manière assez cohérente le caractère inadmissible de toute discrimination des compagnies de l'UE, même s'ils critiquent la partie russe pour n'avoir pas suffisamment argumenté sa position.
A présent, l'UE a trois options. La première: imposer à tous les projets de transport de gaz les mêmes conditions défavorables. La deuxième: reconnaître que le gazoduc Nord Stream 2 est dans l'intérêt des pays membres de l'UE (par tous, certes, mais que faire) et lui accorder les privilèges jusque là réservés aux projets antirusses. Et la troisième: déposer un appel et espérer que le nouvel examen de la plainte ne remettra pas en cause d'autres normes de l'UE importantes pour les Européens.
L'exemple de la décision de l'OMC montre que si l'on travaille correctement avec les organisations internationales, il est possible d'en tirer un profit concret — allant jusqu'à l'utilisation de son verdict pour forcer les partenaires récalcitrants à renoncer aux pratiques discriminatoires et à faire preuve de bon sens. La plainte contre l'UE aura au moins servi à régler la question de l'usage à part entière d'OPAL (à présent, l'UE doit être très attentive aux règles et aux décisions de l'OMC, car Bruxelles espère l'utiliser pour combattre le protectionnisme de Donald Trump).
Xi Jinping avait rejeté à l'époque cet ultimatum, et au final la guerre commerciale entre les USA et la Chine était passée au niveau supérieur. La pratique montre que les adversaires occidentaux perçoivent très négativement les situations où la Russie et ses partenaires chinois commencent à utiliser avec succès les outils de l'Onu ou de l'OMC à leurs fins. Ce qui prouve une fois de plus que c'est précisément ce qu'il faut faire.
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.