L'affaire de la saisie le 29 mai dernier de 701 kg de cocaïne à bord d'un bateau dans le port de la ville d'Oran, censé transporter de la viande rouge importée du Brésil pour le compte de Kamel Chikhi, surnommé «Kamel le boucher», continue de défrayer la chronique en Algérie. «Cette affaire de cocaïne va avoir de graves conséquences pour les personnes impliquées, même indirectement», c'est ce qu'auraient déclaré des sources bien informées, citées par le site d'information algérien Algériepatriotique dans son édition du 12 juillet 2018, ajoutant que les autorités américaines prenaient cette affaire très au sérieux.
Évoquant le déplacement des agents de la DEA (Drug Enforcement Administration) et de la CIA en Algérie, les interlocuteurs du média algérien auraient affirmé que:
«les Américains ne se sont pas déplacés à Alger juste pour s'informer — ils ont les noms des vendeurs et des acheteurs ainsi que leurs réseaux — mais pour mettre en garde les autorités algériennes sur le fait que si parmi les personnes impliquées il y avait des personnalités officielles, cela aurait des conséquences directe sur l'État algérien».
Que les États-Unis prennent à bras le corps cette affaire de cocaïne saisie en Algérie, dont l'ancien haut officier des services de renseignement de l'armée algérienne, Mohammed Elias Rahmani, avait affirmé dans un entretien avec l'agence Sputnik qu'elle entrait dans le cadre du narco-terrorisme, est tout à fait louable. Cependant, certains faits troublants dénotent de l'ambivalence des autorités américaines dans leur lutte contre le fléau du trafic de cocaïne, de drogue en général et du blanchiment d'argent sale qui en découle.
En effet, dans un entretien donné, le 13 décembre 2009, au quotidien britannique The Observer, Antonio Maria Costa, le chef du bureau des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), a déclaré que l'argent des cartels de la drogue était «le seul capital d'investissement liquide» accessible pour certaines banques au bord de la faillite lors de la crise financière internationale de 2008.
«Dans de nombreux cas, l'argent de la drogue était le seul capital d'investissement liquide. Dans la deuxième moitié de l'année 2008, le manque de liquidités était le principal problème du système bancaire, et par conséquent le capital liquide est devenu un pion important», a affirmé le responsable onusien en soulignant que 352 milliards de dollars issus des profits de la drogue avaient été absorbés et injectés dans le système économique. «Les prêts interbancaires ont été financés par de l'argent provenant du commerce de la drogue et d'autres activités illégales. […] Il y a eu des signes clairs que certaines banques auraient été sauvées de cette façon», a-t-il ajouté sans nommer les institutions bancaires mises en cause.
À la surprise générale, dans une enquête publiée le 3 avril 2011 par The Observer, il a été révélé, contrairement à ce qu'a affirmé le responsable de l'Onu, que la somme d'argent provenant du trafic de drogue et blanchie par les banques s'élevait en fait à 378,4 milliards de dollars, l'équivalent d'un tiers du PIB du Mexique! Plus grave encore, le journal a affirmé que cette somme d'argent faramineuse ne concernait qu'une seule banque: Wachovia, filiale de Wells Fargo, quatrième groupe bancaire américain.
«La banque a été sanctionnée pour n'avoir pas appliqué les règles anti-blanchiment [le International Emergency Economic Powers Act de 1977, ndlr] en vigueur pour le transfert de 378,4 milliards de dollars […] vers des comptes en dollars de soi-disant "casas de cambios" au Mexique, des bureaux de change de devises avec lesquels la banque faisait affaires», a affirmé The Observer.
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