On en a la preuve avec le cas de l'Aquarius, ce navire affrété par l'ONG SOS-Méditerranée. Mais, sur le fond, cette question n'a fait que refléter les contradictions internes qui se sont développées au sein de l'UE. En un sens, on peut penser que rares sont les dirigeants qui « croient » encore en une UE fédérale.
Un contexte chargé
Il y a eu tout d'abord le Brexit, voté en 2016, et que d'aucuns espéraient voir inverser par on ne sait quel traquenard « légal ». Or, avec le vote récent au Parlement britannique où Mme Theresa May l'a emporté sur la fraction pro-UE, il est clair que le BREXIT aura bien lieu. Le Royaume-Uni quittera donc bien l'Union européenne (UE). Les élections générales de ces 6 derniers mois, en Hongrie, en Autriche, mais aussi en Slovénie, ont porté (ou maintenu) au pouvoir des gouvernements clairement eurosceptiques, souhaitant une modification profonde des règles de l'UE. Enfin, l'action de l'actuel gouvernement italien, résultant d'une coalition entre le M5S et la Lega a aboutit à mettre en lumière ces contradiction.
La décision du Ministre de l'intérieur Italien, M. Matteo Salvini, de refuser au navire Aquarius, le droit de débarquer les migrants recueillis a causé un scandale. Les bonnes âmes se sont élevées contre cette décision. Mais, celle-ci a respecté d'une part le droit international maritime, et le fait que l'ONG en question n'ait pas attaqué le gouvernement italien en témoigne, et d'autre part les cas d'urgences humanitaires ont été respectés. En dépit de déclarations souvent fracassantes, M. Salvini a accepté que les femmes enceintes et les personnes gravement malades soient débarquées, et les Garde-Côtes italiens continuent leurs missions de sauvetage. L'Aquarius est escorté par un navire des Garde-Côtes italiens, ce que reconnaît l'ONG SOS-Méditerranée elle même.
Hypocrisies franco-allemandes
Ce qui est donc en cause, c'est une politique caractérisée par un aveuglement au réel et une immense hypocrisie de l'UE, mais aussi de l'Allemagne et de la France. C'est cette hypocrisie en particulier qui a fait porter à l'Italie le poids presque exclusif de l'accueil des « migrants » depuis ces trois dernières années.
La reculade du Président français, M. Emmanuel Macron, qui — après avoir dénoncé l'attitude de l'Italie en des termes de morale plus que de politique — a été obligé de baisser de ton est significative. Il est revenu à une position plus raisonnable, mais au prix d'une humiliation internationale. Les deux dirigeants ont affiché une entente d'autant plus cordiale que l'on sait que l'on était passée au bord de la crise.
Le poids de l'économie dans cette décomposition
Les questions économiques, et commerciales, tiennent donc une place importante dans le processus de décomposition de l'UE. Un processus qui a été mis en exergue par la décision de l'Allemagne de refuser la plus grande partie des propositions faites par le Président Français, Emmanuel Macron. La publication récente par l'OFCE d'un texte sur le rôle délétère de l'Euro vis-à-vis des économies tant françaises qu'italiennes le confirme (1). De fait, on constate que le « couple franco-allemand » n'existe pas, si ce n'est dans les délires des éditocrates français. Les formes prises par les « récits » de la crise engendrée par l'Italie, au premier lieux desquels les scandaleuses « unes » de la presse allemande mais aussi les lots extrêmement blessants qu'Emmanuel Macron avait utilisés, sont à la fois un symptôme de la décomposition de l'Union européenne, mais en constituent aussi une de ses causes.
De la souveraineté des Nations
Cette décomposition de l'UE est cependant un processus de long terme. Dans ce contexte, le geste de Matteo Salvini à propos de l'Aquarius, que l'on l'approuve où non, a provoqué une césure importante. Il a démontré qu'un pays pouvait s'affranchir des règles de l'UE et démontrer tout à la fois l'inexistence de la « souveraineté européenne », ce mythe si cher à Emmanuel Macron et l'existence de sa propre souveraineté.
Ce geste aura des conséquences. Il contribue à redonner aux italiens une confiance dans le gouvernement de leur pays et dans les capacités de ce dernier. Mais, ce geste est aussi important pour les autres pays de l'Union européenne. Car, si l'Italie peut recouvrer sa souveraineté, peut dans un moment de crise décider que c'est elle qui fixe l'ordre du jour des problèmes à traiter tout autant que la nature des solutions, ce qui est une définition de la souveraineté, alors d'autres pays retiendront la leçon.
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(1) Villemot S., Ducoudré B., Timbeau X., « TAUX DE CHANGE D'ÉQUILIBRE ET AMPLEUR DES DÉSAJUSTEMENTS INTERNES À LA ZONE EURO », in, Revue de l'OFCE, n°156 (2018)