Dès lors, une question se doit d'être posée: Quel bilan peut-on tirer de la visite d'Emmanuel Macron? Au-delà se profile une autre question: Russie est-elle en train de s'écarter des pays occidentaux et de se tourner vers l'Asie?
Quel basculement de la Russie vers l'Asie?
En effet, l'impact économique et politique des sanctions prises par les pays occidentaux (Etats-Unis et UE) à l'égard de la Russie, mais aussi des contre-sanctions prises en rétorsions par la Russie doit être pris en compte. Jusqu'à maintenant la France, tout en cherchant à maintenir son commerce extérieur avec la Russie, ne s'est pas opposée à ces sanctions. Or, ces sanctions et contre-sanctions sont souvent données en exemple de mesures qui auraient déséquilibré le commerce mondial et provoquée une forme d'aliénation de la Russie avec l'occident. Remarquons, par ailleurs, que cette aliénation est théorisée par certains analystes russes comme Vladislav Surkov, un des conseillers du Président Poutine.
Les changements dans la balance du commerce extérieur de la Russie
La modification de la part des partenaires commerciaux de la Russie est cependant significative.
Cinq pays ont vu leur part dans le commerce extérieur de la Russie reculer. Il s'agit de l'Ukraine (dont le commerce avec la Russie était important en 2013) et qui subit de plein fouet les conséquences de la crise politique avec la Russie à la suite des affrontements dans le Donbass. L'impact sur l'économie ukrainienne de cette baisse a été très sévère, car cette économie était fortement dépendante du commerce avec la Russie. Mais, on constate aussi que certains pays de l'Union européenne voient leur part dans le commerce avec la Russie reculer substantiellement. C'est en particulier le cas de la France, de la Pologne, de la Finlande et de la Grande-Bretagne. Pour la France et la Pologne, ces deux pays ont été lourdement frappés par les « contre-sanctions » visant les productions agricoles et agro-alimentaires prises par la Russie en rétorsion aux sanctions dont elle était la cible. On notera cependant que ceci n'affecte pas trois pays de l'UE, et probablement pour des raisons assez différentes.
Une première conclusion peut donc être tirée. La réduction des parts commerciales semble bien correspondre à une logique idéologique et politique, mais cette logique est plus bilatérale que multilatérale. On notera aussi que des pays améliorent leur part dans le commerce extérieur russe. C'est, tout d'abord, le cas de la Chine et du Kazakhstan, mais aussi du Japon et de la Corée du Sud. Cela renforce l'hypothèse d'un basculement vers l'Asie.
Il y a donc bien eu pivotement du commerce extérieur de la Russie vers les pays d'Asie, et ce n'est pas en rappelant le « rattachement historique de la Russie à l'Europe » qu'Emmanuel Macron fera avancer les choses..
Les pays occidentaux peuvent-ils accepter une Russie qui ne soit pas humiliée?
Il n'est pas sur qu'Emmanuel Macron ait compris ce retournement dans l'opinion russe ni à fortiori qu'il en ait tiré les conséquences.
Quel rôle pour la France?
Car, la France a beaucoup à perdre, et pas seulement économiquement, dans ce changement. Une bonne partie de l'influence française tenait à sa position équidistante entre Washington et Moscou. Or, pour avoir choisi ouvertement Washington et Bruxelles, le Président français a perdu un levier important et laissé la place libre à des pays comme l'Allemagne ou l'Italie. Cette dernière pourrait bien, du fait de son nouveau gouvernement, remplacer en partie le rôle de la France comme intermédiaire entre les Etats-Unis et la Russie.
Alors, il est aussi clair que l'impact (positif ou négatif) du réajustement du commerce extérieur russe a été significatif pour un certain nombre de pays. Pour la France, on peut estimer qu'entre les effets des « contre-sanctions » et la timidité des exportateurs dans un contexte marqué par les sanctions (et l'absence de soutien de la part du gouvernement), les pertes ont été importante et pourraient avoir eu un impact de 0,2% sur le PIB annuel de 2014 à 2017. Quand ont voit les montants de la croissance du PIB durant ces années, ce n'est donc pas négligeable. Ceci devrait aussi être médité par Emmanuel Macron.
1. Sapir J., Le Nouveau XXIème siècle, Paris, Le Seuil, 2009.
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.