Prenant la parole au Parlement européen, mardi 17 avril à Strasbourg, le Président français a indiqué qu'il voulait «arrimer [les Balkans, ndlr] à l'UE et ne pas les laisser dériver vers la Turquie ou la Russie», tout en notant qu'il ne défendrait «un prochain élargissement que lorsqu'il y aura un approfondissement et une amélioration de notre Europe».
Cette déclaration, signifierait-elle que la Serbie, le Monténégro et d'autres pays des Balkans ne doivent plus espérer adhérer à l'Union européenne d'ici à 2025? Sanda Raskovic Ivic, députée au Parlement serbe et ex-ambassadeur de Serbie en Italie, a évoqué pour Sputnik la situation dans ce domaine.
Elle a rappelé à Sputnik que la dernière déclaration d'Emmanuel Macron sur l'élargissement de l'UE ne faisait que reprendre celle, de 2009, d'Angela Merkel qui a dit qu'il n'y avait pas de raison d'élargir l'Union européenne à l'infini si cela empêcherait un fonctionnement normal de cette structure.
«Aujourd'hui, les positions d'Angela Merkel sont affaiblies à l'intérieur du pays et, en conséquence, à l'intérieur de l'UE. Quant à Macron, c'est une étoile ascendante qui annonce sincèrement que l'Union européenne ne peut pas s'élargir plus loin et que des réformes sont indispensables», a poursuivi Sanda Raskovic Ivic.
«L'UE n'est plus disposée à accueillir un grand nombre de migrants et, dans ce contexte, elle a besoin d'une sorte de filtre pour arrêter cette vague. Or la Turquie ne peut pas tenir ce rôle, car elle est capable de faire du chantage à Bruxelles», a-t-elle constaté.
Quant à la Croatie, elle est un territoire frontalier de l'Union européenne. Viennent après la Bosnie-Herzégovine la Serbie et le Monténégro qui sont plus faibles, ce qui permet de les menacer et de les soudoyer pour qu'ils acceptent d'accueillir les migrants, a-t-elle expliqué.
«L'UE a besoin d'un parking pour les immigrés. Je réalise que je risque de passer pour une folle qui vous parle de complotisme, mais, forte de mon expérience de communication avec les diplomates étrangers, je peux dire que l'actuelle Europe non-réformée ne veut pas vraiment nous accepter dans ses rangs dès demain. En outre, l'adhésion à l'UE, c'est, avant tout, une décision politique», a fait remarquer pour conclure Sanda Raskovic Ivic.
Pour le politologue Milan Krstic, enseignant à la faculté des sciences politiques de l'Université de Belgrade, les paroles du Président français ne doivent pas être interprétées comme le renoncement à la stratégie d'élargissement annoncée, étant donné que l'année 2025 n'était citée qu'en qualité de date probable de l'intégration des pays des Balkans occidentaux dans l'Union européenne.
«C'est dans sept ans, mais le processus prendra sûrement plus de temps. Toutefois, la déclaration de Macron diffère des signaux émis vers la région des Balkans par l'UE au cours des derniers mois. Et ces signaux étaient plutôt positifs et avaient pour objectif de faire croire à ces pays que l'adhésion à l'UE est à portée de main», a-t-il noté.
«L'Europe ne renonce toujours pas à l'intégration des pays des Balkans occidentaux dans l'UE. Ce qui est mal, c'est que Macron laisse entendre: du calme, il n'est pas encore temps, mais ne vous éloignez pas. C'est-à-dire qu'il y aura bien adhésion, mais aujourd'hui l'Union européenne ne peut pas dire quand», a expliqué Milan Krstic.
Or les réformes de l'Europe sont une priorité pour Emmanuel Macron. Elles étaient son mot d'ordre pendant la campagne électorale, a-t-il rappelé. Il a constaté également que la rhétorique du Président français différait des autres signaux envoyés aux pays des Balkans occidentaux.
«Car, ces derniers temps, il y avait, sans doute en raison du renforcement de l'influence de la Russie et de la Turquie, un consensus tacite. Chacun veillait à parler le moins possible des crises à l'intérieur de l'UE, préférant réfléchir sur l'adhésion à l'UE des pays des Balkans, présentant celle-ci comme une perspective palpable, ne serait-ce que sur papier», a-t-il souligné.
Le Président serbe Aleksandar Vucic a récemment déclaré que Belgrade était disposée à «un compromis» sur le Kosovo, son ancienne province albanaise, dont elle ne reconnaît pas l'indépendance. Bruxelles a rappelé en amont que la résolution de ce conflit était cruciale si la Serbie voulait rejoindre l'Union européenne.
Vuk Jeremic, ex-chef de la diplomatie serbe, estime toutefois que cela ne garantit pas l'adhésion du pays à l'UE.