«Son ardeur européenne est aujourd'hui moins importante que celle d'Emmanuel Macron qui n'est Président de la République que depuis un an et qui a montré qu'il avait une forte ambition européenne, notamment à travers ses discours de la Sorbonne et d'Athènes»
Pour Patrick Martin-Genier, enseignant spécialisé sur les questions européennes à Sciences-Po et auteur du livre L'Europe a-t-elle un avenir? (Éd. Studyrama-Bréal 2017), le couple franco-allemand n'est plus à l'unisson. Si après l'élection d'Emmanuel Macron, Angela Merkel avait fait preuve beaucoup d'enthousiasme à son endroit, lors de leur rencontre, ce jeudi 19 avril au Humboldt Forum de Berlin, le charme semblait s'être dissipé. Alors que les deux dirigeants souhaitaient élaborer une feuille de route commune en préparation du Conseil européen des 28 et 29 juin, la chancelière a, en effet, tempéré les ardeurs d'Emmanuel Macron concernant ses plans de réforme européenne. Elle a en effet indiqué que «chacun a un point de départ différent», mais surtout en expliqué qu'il «faut être prêt pour des compromis». Emmanuel Macron, gentiment éconduit par Angela Merkel?
«L'Allemagne est bien plus pragmatique que la France qui, elle, souhaite toujours proposer un certain nombre de structure, d'instituts, de fonds. Ce n'est pas dans la mentalité allemande, qui préfère utiliser les instruments existants pour développer notamment ce que l'on appelle la solidarité financière.»
Autre symbole de ce pragmatisme, «Angela Merkel a toujours dit qu'avant de restructurer l'Europe, de la refonder et avant de parler de solidarité financière, il fallait que les pays se restructurent eux-mêmes, qu'ils fassent preuve d'efforts dans la maîtrise de leur dette et de leurs finances publiques. Il y a donc des limites qui sont mises à la solidarité financière telle qu'envisagée par d'autres pays du sud et défendue par la France.»
Une position qui ne surprend pas Patrick Martin-Genier, qui rappelle que «Wolfgang Schäuble, ancien ministre des Finances, était tout à fait réticent pour venir en aide aux pays du sud, notamment la Grèce lorsque celle-ci a eu des difficultés.»
Enfin, ce manque d'enthousiasme s'explique également par l'affaiblissement politique de la chancelière. «On s'aperçoit aujourd'hui qu'elle n'a pas été aussi chaleureuse qu'elle ne l'était avant. Elle a bien dit que, depuis les élections du mois d'octobre 2017, sa marge de manœuvre était réduite. Elle est sous la pression de la droite et notamment de l'extrême droite» déclare Patrick Martin-Genier.
«Elle doit faire face à un certain nombre de compromis importants au sein même de sa coalition gouvernementale, qui s'expliquent par une sorte de virage à droite du gouvernement allemand sous l'impulsion de la branche bavaroise de la CDU, le CDU de Bavière qui est donc plus à droite que ne l'était la CSU.»
Par ailleurs, comme le souligne l'expert, «Emmanuel Macron qui souhaitait et espérait que le parti social-démocrate (SPD) pourrait jouer en faveur d'une plus grande intégration européenne et donc de ses idées de solidarité financière» a été déçu dans ses attentes:
«Mais il n'en demeure pas moins que les sociaux-démocrates ont signé un contrat de gouvernement, ils sont donc maintenant obligés de respecter ce contrat de gouvernement et qu'ils sont donc maintenant moins enclins à venir appuyer les initiatives d'Emmanuel Macron.»
Et de conclure,
«Cela fait toutes une série de facteurs qui font qu'il faut moins compter sur l'Allemagne et sur Angela Merkel pour appuyer la démarche de restructuration, d'approfondissement de l'Europe voulu par Emmanuel Macron, à savoir l'union économique et monétaire.»