«Vous nous demandez de respecter les lois (…) mais vous vous permettez de ne pas les respecter», dénonce un détenu du centre pénitentiaire de Fresnes, particulièrement surpeuplé, et cité dans le rapport « les droits fondamentaux à l'épreuve de la surpopulation carcérale », rendu public ce mercredi.
« l'OIP [Observatoire Internationale des Prisons, ndlr] vient de saisir la Cour européenne des droits de l'homme sur les conditions indignes, à Fresnes plus spécialement », explique François Korber, délégué général de l'association Robin des Bois.
« Les règles européennes sont formelles, on est hors la loi », poursuit-il.
Le problème de la surpopulation carcérale n'est pas nouveau, mais il « n'intéresse pas les politiques », selon M. Korder. Pourtant, les prisons (et plus précisément les maisons d'arrêt) sont souvent décrites comme des « bombes à retardement ». Au 1er janvier 2018, 68.974 personnes étaient incarcérées en France pour 59.765 places. Ce nombre s'élevait à 66.089 en janvier 2010 et 48.595 en 2002, souligne la CGLPL.
« Il faut imaginer une cellule de 9m², prévue pour une personne. Quand on ouvre la porte, il y en a trois ou quatre. Vous imaginez bien qu'il y a une tension […] et qui prend ça dans la figure? Le surveillant », raconte M. Korder, rappelant la multiplicité des acteurs sur le terrain: « Il y a beaucoup de monde qui rentre dans une maison: surveillant, travailleurs sociaux, personnel médical. Ils sont pénalisés par le fait qu'ils viennent pour travailler avec 300 personnes… et en fait, il y en 900 ».
« Il y a des pays européens, au même niveau social et économique, qui ferment des prisons. Quand j'ai appris ça, j'ai cru que c'était une blague, mais pas du tout », relate François Korber, qui poursuit: « Ça ne veut pas dire qu'il y a moins de délinquance. Ça veut dire qu'on n'attend pas que ce soit grave ».
Pour sortir de cette situation, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) avance dix recommandations considérant que «la privation de liberté» doit redevenir une «mesure de dernier recours» et les peines alternatives être développées avec des moyens supplémentaires.
« Il y a beaucoup de petites infractions qui pourraient être sanctionnées par du travail d'intérêt général », estime François Korber, qui le juge efficace « pour les 17- 25 ans ». Mais encore faut-il des moyens humains et financiers:
« Globalement les pouvoirs publics ne font rien. Taubira a fait ce qu'elle a pu, en essayant de développer des peines alternatives. C'est une des solutions. Ça avance, mais très très lentement ».
« Contrairement à ce que dit le Front National, il n'y a pas de laxisme. Depuis 25 ou 30 ans, les peines, pour des faits similaires, se sont allongées […]. Le résultat, c'est que par conséquent, on libère moins. […]. C'est un des éléments qui explique la surpopulation »
«Les juges doivent également être attentifs aux conditions de détentions et s'assurer qu'une incarcération puisse avoir du sens», dit Adeline Hazan. Elle juge également «nécessaire de rénover la procédure de comparution immédiate qui conduit au prononcé d'un grand nombre de peines d'emprisonnement» et prône «une réflexion sur la durée des instructions et les délais d'audiencement» (attente avant un procès) pour «éviter l'allongement inutile des détentions provisoires».