Radicalisation en prison: lutter contre l’effet de meute

© AFP 2024 Patrick Kovarikprison de Fresnes
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Un projet d’attentat fomenté depuis une cellule de la prison de Fresnes a été déjoué. Selon le juge antiterroriste Trevidic, 50% des djihadistes seraient délinquants de droit commun avant d’entrer en maison d’arrêt. L’échec de la politique carcérale française se double-t-il d’un échec face au djihadisme?

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Une cellule de la prison de Fresnes est devenue une cellule terroriste. Deux détenus, âgés de 22 et 28 ans et emprisonnés pour des faits de droit commun, devaient être relâchés. Mais le djihadisme est passé par là: radicalisés, ces deux individus entendaient s'attaquer à des policiers. L'attaque a donc été déjouée, mais le système pénitentiaire est d'ores et déjà pointé du doigt.

De la délinquance au terrorisme

Dimanche 8 octobre, l'ancien juge antiterroriste Marc Trevidic déclarait sur France 2 «on a une fabrique de terroristes dans les maisons d'arrêt»: «50% des gens que j'ai vus devant moi étaient des délinquants de droit commun en entrant en maison d'arrêt, ils en sont ressortis terroristes».


«La radicalisation pose la question de la détention», estime Guillaume Jeanson, directeur de l'Institut Pour la Justice.

Pour celui-ci, le phénomène est «directement lié au nombre de places»: «On ne respecte pas le principe de l'encellulement individuel», explique-t-il. Relativisant la statistique apparemment subjective de Marc Trevidic, notre interlocuteur s'accorde cependant avec ce dernier sur le fond du problème: «une étude menée à Londres en 2016 par le Centre international d'étude de la radicalisation et de la violence politique a évoqué le cas de 69 djihadistes impliqués dans les attentats: 57% d'entre eux avaient séjourné en prison, et 27% s'étaient radicalisés en prison».

Une déradicalisation impuissante?

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Le défi, c'est celui des prisonniers prosélytes et de l'effet de meute. Un défi d'autant plus prégnant que la puissance publique a subi quelques échecs, notamment celui du dispositif des unités «dédiées». Décidé en 2015 par l'ancien Garde des Sceaux Christiane Taubira, il vise à réunir les personnes radicalisées pour prévenir le prosélytisme. «Ça a donné une tentative d'assassinat de deux surveillants en 2016» et 


«Le mois suivant, à Fleury, dix détenus islamistes ont été exfiltrés, car on s'est rendu compte d'une tentative de structuration de réseau et de mutinerie», explique Guillaume Jeanson.


L'enseignement s'impose: «il faut absolument les séparer».

Les tentatives de «déradicalisation» n'ont, quant à elles, guère été couronnées de succès. «Le terrain de la déradicalisation doit être démythifié, affirme Guillaume Jeanson: on attend beaucoup d'elle, alors que le rapport du Sénat sur le sujet nous a expliqué que ce n'était pas une panacée».

«Nous n'avons toujours pas trouvé la méthode», regrette-t-il, citant au passage Roland Coutanceau, président de la ligue de santé mentale: «il a dit qu'on ne pourra pas déradicaliser tout le monde. Il faut en avoir conscience: ceux qu'on ne pourra pas déradicaliser posent la question de la fonction de neutralisation de la peine».

La peine doit donc neutraliser les criminels. En fin de compte, Guillaume Jeanson plaide pour un retour aux fondamentaux, dénonçant le laxisme pénal, qui diminuerait la surpopulation carcérale en diminuant le nombre de prisonniers:


«C'est extrêmement dangereux. Adel Kermiche, tueur du père Hamel, ou Karim Cherfi, tueur des Champs-Élysées étaient tous deux en dehors de prison: le premier était assigné à résidence, le deuxième purgeait une peine avec sursis et mise à l'épreuve.»

 

«La Cour des comptes a pointé les carences de suivi du milieu ouvert», rappelle-t-il.

Trop peu de places

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Ainsi le fond du problème serait-il pour notre interlocuteur le volume du parc pénitentiaire: l'IPJ exige des «prisons de taille suffisante pour d'une part isoler les radicalisés des autres détenus et d'autre part les isoler les uns des autres». Les chiffres parlent d'eux-mêmes: «aujourd'hui, on a 59.000 places disponibles pour 68.000 détenus. En réalité, 5.000 places ne sont jamais utilisées pour des questions de rotation, donc on a à peu près 14.000 détenus en surnombre dans les prisons françaises. Ajoutez à cela 100.000 peines de prison en attente d'exécution». «Les prisons sont complètement saturées», assène-t-il avant de préciser: « le problème est concentré principalement sur les maisons d'arrêt, mais il y a une carence de place évidente en France». Et Guillaume Jeanson de marteler: «500 détenus sont en détention provisoire pour des procédures terroristes. On compte 24.000 fichés S dont 15.000 pour radicalisation islamique et parmi eux, 2100 sont en prison».

Mais au-delà des chiffres, une réalité humaine:

 

«La plupart sont donc au contact d'autres personnes! Si vous rappelez le phénomène de retour de zones de conflit, c'est extrêmement inquiétant: on sait quelle est l'aura de quelqu'un qui rentre de zones de conflit auprès de jeunes personnes qui sont en train de se radicaliser en prison. Il est urgent de construire des prisons, d'isoler les détenus [djihadistes], et de les isoler entre eux.»

 

Les politiques sont-ils à la hauteur du défi? «Emmanuel Macron s'était engagé à 15.000 places pendant sa campagne. On attend toujours le démarrage de ces programmes de construction». Les carences pénitentiaires avaient déjà atteint un seuil critique avant l'explosion du phénomène djihadiste. Son développement en prison leur donnent une dimension plus dramatique encore.

Un modèle italien?

Guillaume Jeanson puise aussi à l'étranger un modèle de lutte contre la radicalisation. En Italie, «le système de l'article 41 avait été créé pour les parrains mafieux puis étendu aux terroristes». Ce système d'isolement repose «sur un encadrement par des brigades spéciales, cagoulées, avec une rotation permanente pour éviter certains dangers». Selon notre interlocuteur, la «diversification des moyens de détention» est devenue cruciale.

 

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