«On ira jusqu’au bout»: le Maroc face à un coup de grisou social

© AFP 2024 FADEL SENNAMoroccans shout slogans and wave their national flag as they participate in a demonstration after the funeral of two brothers who died while digging in an abandoned coal mine in the northeastern city of Jerada, 60 kilometres southwest of Oujda, on December 27, 2017.
Moroccans shout slogans and wave their national flag as they participate in a demonstration after the funeral of two brothers who died while digging in an abandoned coal mine in the northeastern city of Jerada, 60 kilometres southwest of Oujda, on December 27, 2017. - Sputnik Afrique
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Une grève générale a été décrétée vendredi 29 décembre à Jerada, commune du Nord marocain, qui proteste depuis une semaine contre sa «marginalisation». Un mouvement né à la suite de la mort accidentelle de deux jeunes qui extrayaient du charbon d’une mine désaffectée.

«Nous n'arrêterons les manifestations que le jour où nos revendications seront entièrement satisfaites. On ira jusqu'au bout», a promis Zahra Haroud, l'une des leaders du Mouvement social «Hirak de Jerada» à Sputnik.

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Pour la présidente de l'association des jeunes chômeurs, l'une des principales structures du mouvement social qui rassemble la société civile et des partis politiques de gauche, poursuivre la mobilisation va de soi.

«Nos revendications sont légitimes. Nous demandons une alternative économique pour nos jeunes», dit cette militante originaire de cette ancienne ville minière.

Ils seraient encore plusieurs centaines à s'aventurer, chaque jour, dans les mines désaffectées de cette commune du Nord marocain, fermées depuis 1998 par le gouvernement pour leur coût excessif. En extrayant le charbon de façon artisanale, ces jeunes gens prennent de gros risques. En atteste un tragique incident qui s'est produit il y a une semaine. Deux jeunes frères sont morts noyés après avoir percuté accidentellement un puits d'eau dans une mine.

«Il a fallu 48 heures pour extraire les corps, faute de moyens nécessaires. Ce qui a fait monter encore plus la tension», s'indigne Zahra. Un drame qui est venu se greffer à une grogne qui montait en puissance contre les factures «excessives» de l'eau et de l'électricité.

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Depuis, les manifestations s'enchaînent, rassemblant des milliers de participants. Pour marquer la première semaine de protestations, une grève générale est organisée vendredi 29 décembre. «Tous les secteurs sont paralysés, enseignement, santé, commerce», décrit Haroud.

Un impressionnant dispositif sécuritaire est déployé en ville.

«Pour le moment, les forces de l'ordre font preuve de calme. Elles ont libéré les jeunes qui avaient été interpellés les premiers jours», reconnaît pour sa part Khadija Riyadi, ancienne présidente de l'Association marocaine des droits de l'homme (AMDH), dans une déclaration à Sputnik.

«Il ne tient qu'à elles pour que cela ne dégénère pas, que cela ne devienne pas une autre Hoceima», craint Khadija Riyadi, qui milite toujours au sein de la société civile marocaine.
Fin 2016, c'est une vague de manifestations qui avait touché la région du Rif, également dans le Nord du pays, en s'exacerbant dans la ville frondeuse de Hoceima. La mort d'un poissonnier, broyé par une benne à ordures dans cette ville, avait déclenché les événements.

«La crise de Hoceima est plus profonde dans la mesure où elle sanctionne des rapports historiques tendus entre le pouvoir et cette région, à travers la répression de 1958, et celle de 1984. L'œuvre universelle "le pain nu" de Mohamed Chorki témoigne de cet état de choses. Même si toute crise est éminemment politique, ce qui se passe à Jerada est avant tout une tension sociale. On peut plus difficilement la politiser dans le sens d'un affrontement frontal avec Rabat» commente Ayoub el Mouzaine, écrivain marocain, dans une déclaration à Sputnik.

Pourtant, ce parallèle avec la crise du Rif de 2016 est recherché du côté des manifestants. De façon significative, le nom de leur mouvement («Hirak», en arabe) est calqué sur celui choisi par les protestataires rifiens. Le slogan, extrême, scandé lors des mobilisations est le même que celui qui a rythmé les événements de Hoceima: «La mort plutôt que l'humiliation».
Après la fermeture des sites miniers, le gouvernement a pourtant mis en œuvre des projets économiques pour compenser la perte d'activité/

«Ils sont insuffisants pour résorber le taux de chômage, qui s'élève à 37% dans cette ville», d'après Idriss Ouali, un responsable politique local de l'opposition, dans une déclaration à Sputnik.

Plus tôt dans la semaine, le ministre des Mines, Aziz Rebbah, avait promis, dans une déclaration relayée par des médias français, le lancement d'un projet de production électrique à base de charbon, destiné à employer prioritairement les enfants de la région. Pour désamorcer la crise, le chef du gouvernement marocain, Abdelaziz Othmani, a proposé de s'entretenir avec les élus de la ville.

«Nous, on ne veut pas de cela. On veut que les responsables viennent sur le terrain constater la situation dans laquelle on vit et accéder à nos revendications légitimes», martèle la présidente de l'association des jeunes chômeurs de Jerada.

Une crise qui sonne comme un revers pour un Maroc qui fait figure, pourtant, d'étoile montante de l'économie africaine en multipliant les offensives économiques, notamment dans les pays d'Afrique subsaharienne.

«Le Maroc avance, mais dans la douleur. C'est un combat qui n'est pas facile, parce qu'il implique des choix. Et l'un de ses principaux défis de ces prochaines années, c'est de mettre fin à ce décalage en organisant une meilleure redistribution des richesses» a conclu Hichem Ben Yaïche, expert en géopolitique africaine.

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