Le Japon renforce la sécurité de son littoral en raison de l'augmentation soudaine du nombre de navires en bois d'origine nord-coréenne, qui s'échouent au large du Japon et toucheraient les côtes japonaises. «S'agit-il vraiment de bateaux de pêche, ou sont-ils des navires d'espionnage?», tels sont les titres apparaissant de plus en plus souvent dans la presse japonaise qui pointe sur le manque de préparation du pays à une infiltration nord-coréenne.
Les bateaux-fantômes, comme les a baptisés la presse occidentale, arrivent de Corée du Nord depuis de nombreuses années, mais l'année 2017 a connu un fort essor de leur nombre (24 en 2016, 34 en 2015, 65 en 2014). Toute une mythologie s'est formée autour de ce phénomène car parfois les passagers des bateaux-fantômes survivent et suscitent bien des inquiétudes chez les Japonais…
Des bateaux précaires
Les bateaux nord-coréens sont en fait l'un des événements à la fois les plus inhabituels et les plus courants de la Garde côtière et des pêcheurs japonais. Selon Deutsche Welle, depuis 2012, plus de 500 bateaux se sont échoués sur la côte du Japon. Dans la plupart des cas, les vaisseaux sont vieux, précaires et sales.
Les passages morts à bord des bateaux sont toujours des hommes, bien que les médecins ne puissent pas le savoir exactement à cause de la forte déformation des corps. Habituellement, les victimes portent des vêtements civils. C'est grâce à leurs affaires personnelles qui se trouvent encore à bord que les enquêteurs peuvent établir un lien entre les cadavres et la Corée du Nord: de vieux journaux avec des nouvelles nord-coréennes, un portrait du défunt dirigeant du pays Kim Jong-il ou encore un badge à l'effigie du fondateur de l'État nord-coréen Kim Il-sung attaché à leur col.
Latest “ghost ship” washes up on coast of Japan with eight bodies. https://t.co/NYvNcy79Gu pic.twitter.com/hJHIYWKtQN
— Toronto Sun (@TheTorontoSun) 29 ноября 2017 г.
«Le mauvais état de réparation des navires et de leur équipement est la cause la plus probable de leur naufrage, comme l'a montré la dernière découverte dans la préfecture d'Akita avec un bateau auquel manquait son gouvernail et avec ses moteurs inutilisables. Une fois que le navire perd ses moyens de contrôle, il est à la merci des courants et des vents. Cela peut prendre des semaines avant qu'un bateau arrive jusqu'aux cotes, ce qui explique pourquoi on trouve souvent leurs équipages partiellement décomposés», explique le journal.
Pourquoi un nombre record en 2017?
La réponse la plus évidente est simple: les sanctions. La Corée du Nord fait actuellement l'objet du plus dur régime de sanctions au monde et les personnes ordinaires ont du mal à gagner de l'argent.
Sans ajouter que pendant la saison froide, le temps en mer devient particulièrement dangereux pour ceux qui utilisent des bateaux ou des équipements obsolètes. Il n'y a ainsi pas de système de navigation moderne, y compris le GPS, sur les bateaux échoués.
De leur côté, les autorités nord-coréennes n'ont jamais signalé la disparition de navires, de soldats ou de pêcheurs.
Des espions nord-coréens?
En automne 2017, huit membres d'équipage d'un bateau échoué ont passé environ une semaine à subir une enquête, puis ils ont été envoyés dans un centre pour immigrants à Nagasaki. Les autorités ont confirmé que les «invités inattendus» étaient arrivés de Corée du Nord et qu'ils seront bientôt rapatriés.
«Je me demande pourquoi il y en a tellement en si peu de temps. C'est un pays mystérieux, nous n'en savons pas beaucoup. Je ne comprends pas s'ils sont arrivés pour rechercher de l'aide, ou s'ils se sont échoués accidentellement ici», a déclaré Kazuko Komatsu, un citoyen japonais de 66 ans, dans une interview accordée au journal The New York Times (NYT).
Les craintes concernant les espions nord-coréens qui entrent au Japon font régulièrement surface. Au Japon ainsi qu'en Corée du Sud, le voisin totalitaire a provoqué l'apparition de nombreuses histoires sombres — vraies et fictives. De 1970 à 1980, des agents nord-coréens auraient enlevé des citoyens japonais, raconte le New York Times. Selon le gouvernement du Japon, 17 personnes ont été secrètement emmenées hors du pays. Les autorités nord-coréennes ont admis l'enlèvement de 13 personnes, dont cinq ont été renvoyées dans leur pays en 2002. Les autres, aurait annoncé alors le gouvernement nord-coréen, sont morts depuis longtemps.
Plus tôt en novembre 2017, la garde côtière japonaise avait découvert un bateau nord-coréen avec un survivant à bord. Pendant l'interrogatoire, il a raconté qu'une partie de son équipage était allé à terre et avait volé des réfrigérateurs, des postes de télévision, des machines à laver et une moto dans les maisons des pêcheurs locaux, selon le journal japonais Sankei.
«Les espions seraient arrivés à bord d'un meilleur bateau», a commenté au NYT le politologue Satoru Miyamote.
Bien que rien n'indique encore qu'il s'agirait d'agents de Pyongyang, même le secrétaire général du Cabinet Yoshihide Suga a évoqué les bateaux-fantômes lors d'une conférence de presse. «La garde côtière et la police doivent coopérer pour intensifier les patrouilles maritimes autour du Japon. Le gouvernement a l'intention d'améliorer cela pour s'assurer que nous pouvons nous protéger contre les bateaux suspects ou les personnes arrivant au Japon.»
Que fait le Japon avec les bateaux-fantômes?
Quant aux corps des pêcheurs, les cendres des huit membres d'équipage trouvés en novembre 2017 reposent dans un temple de la ville d'Oga. Selon le prêtre local Ryosen Kojima, si personne ne réclame les restes, ils seront enterrés dans la tombe des «âmes inconnues» dans le jardin du temple.
«Ce sont des gens comme nous. Mais ils n'ont personne pour s'occuper de leurs cendres. En venant au monde ils ont eu des parents ou des familles. Je suis désolé pour eux», a admis le religieux.