Liberté, égalité, mais fermeté. Avec les récentes images de couvertures de migrants jetés, leurs tentes lacérées, on semble loin de l'angélique «nous devons accueillir des réfugiés, c'est notre devoir et notre honneur» lancé par Emanuel Macron lors du Conseil de l'Europe en juin dernier. Et à l'horizon de 2018, le projet de loi «immigration et asile» ne semble pas faire dans la dentelle.
«Je pense qu'Emmanuel Macron est un as de la communication. Il est capable de dire tout et son contraire, mais ce qu'il faut regarder, c'est réellement quelles sont les mesures qui sont prises»,
estime Laurent Chalard est géographe-consultant, membre du think tank European Centre for International Affairs.
«Le gouvernement s'est dit qu'il était peut-être bon, pour sa propre image, d'adopter, ou tout du moins de montrer, qu'il adopte une politique dure vis-à-vis de cette question. C'est-à-dire une politique beaucoup plus coercitive et restrictive».
Plus tôt cette année, le ministre prenait note d'une certaine exaspération de la part des Français face la gestion de la crise migratoire, perçue comme laxiste, même si la France a été relativement épargnée par rapport à certains de ses voisins. Il déclarait alors en août dans le JDD: «les enquêtes d'opinion montrent une réticence de plus en plus grande» des Français sur la question de l'accueil des migrants, et le nombre d'étrangers en France.
«Le gouvernement a bien compris que la montée de l'extrême droite en France, très importante, est liée en partie à cette question des migrants», poursuit Laurent Chalard.
«Emmanuel Macron, étant quelqu'un d'extrêmement pragmatique, a bien senti qu'effectivement les Français pensaient qu'il y avait une mauvaise gestion de la crise migratoire depuis plusieurs années, et demande plus de fermeté sur cette question. Qu'est-ce qu'il s'en suit? Il adopte une politique beaucoup plus ferme», commente Laurent Chalard.
Plus ferme, quitte à s'asseoir sur le principe d‘inconditionnalité: l'accès à un dispositif d'hébergement d'urgence n'est pas censé être «subordonné à une condition de régularité du séjour».
D'ailleurs, à gauche, cette fermeté ne passe pas. Le 8 décembre, on assiste à un coup d'éclat: la grande majorité des associations qui s'occupent de l'accueil des migrants claque la porte d'une réunion avec le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, et avec le ministre de la Cohésion des territoires, Jacques Mézard.
Faute «de dialogue suffisant» avec le gouvernement, des «États généraux des migrations» ont été lancés le 21 novembre dernier par 470 associations et collectifs d'aide aux migrants. Craignant d'avoir servi «d'alibi pour préparer leurs éléments de réponse», les associations n'entendent pas rester inactives, une fois le texte porté à l'Assemblée en mars prochain.
Fausse naïveté? Laurent Chalard n'est pas loin de le penser:
«Du côté de la gauche, il y a beaucoup de discours, mais on se rend compte que sous François Hollande, on a eu une politique migratoire qui était relativement dure», ajoutant par ailleurs que «dire que la France, sous un gouvernement de gauche, n'appliquait pas la politique actuelle, c'est un peu se voiler la face.»
«Ce chiffre est croissant depuis les années 2010, bien avant l'arrivée d'Emmanuel Macron au pouvoir. Il est trop tôt pour dire pour Emmanuel Macron. Si on passe à 50%, on pourra dire qu'il y a eu un gros durcissement. Mais il est trop tôt pour le dire.»
Une première indication sera bientôt donnée par le gouvernement, qui envisage la création du concept de «pays tiers sûrs», hors Union européenne, pour les clandestins qui demandent l'asile. Un projet qu'Amnesty International dénonçait déjà en 2016, y voyant une manière pour les États de refuser «d'assumer pleinement leurs responsabilités envers les demandeurs d'asile, en violation de leurs obligations internationales».
«La question c'est est-ce que ces mesures permettront de réduire le nombre d'arrivées? C'est toujours très difficile de pouvoir le dire, sachant qu'on est face à des évolutions en termes de statistique qui ont plusieurs facteurs d'origine», notamment économiques et géopolitiques, conclut Laurent Chalard.