«La pornographie a franchi la porte des établissements scolaires. Nous ne pouvons ignorer ce genre qui fait de la femme un objet d'humiliation.» C'est le tweet incisif du Président de la République concernant la pornographie. En effet, lors de la présentation des mesures pour lutter contre les violences faites aux femmes, Emmanuel Macron s'est attaqué à cette industrie —un marché qui représente près 200 millions d'euros en France par an- en déclarant qu'il «faut éviter que les comportements les plus indignes ne fassent l'objet d'une forme de propagande tacite. Les plus jeunes regardent infiniment moins la télévision que les plus âgés, et nous ne régulons pas aujourd'hui l'accès […] aux contenus pornographiques de plus en plus diffusés.»
Des déclarations compréhensibles puisque, selon l'étude de l'Observatoire de la Parentalité et de l'éducation numérique, le premier visionnage d'une vidéo X s'effectue majoritairement sur le Web (84%). Par ailleurs, la moitié des adolescents âgés de 15 à 17 ans ont déjà surfé sur un site pornographique (51%), un pourcentage en nette hausse (+14 points en 4 ans). Pis encore, toujours selon ce rapport, près d'un ado sur deux (45%) estime que les vidéos pornographiques qu'il a vues au cours de sa vie ont participé à son apprentissage de la sexualité.
La pornographie est donc très régulièrement accusée de conditionner les stéréotypes hommes-femmes et de véhiculer une image dégradante de la femme. Or, pour Thierry Bonnard, responsable communication du groupe Jacquie & Michel, un tel raccourci est effarant.
«La société ne s'inspire pas du porno, c'est plutôt l'inverse […] Le porno ne fait que mettre en images ce qu'est la société et ce qu'elle désire. Ce n'est pas au X de faire changer les comportements mais à l'éducation […] Rappelons que depuis l'essor du genre, dans les pays occidentaux vers les années 70, les agressions sexuelles ont considérablement baissé.»
Un point de vue partagé par Grégory Dorcel, directeur général de Marc Dorcel, qui souligne que «l'aspect moralisateur sur l'image de la femme dans le porno, c'est un peu les vieilles images d'Épinal, c'est en retard de 20 ans.»
«Aujourd'hui, plus de 50% des français consomment du X régulièrement et plus de 20% des femmes en France. D'ailleurs, dans les pays occidentaux, elles consomment au moins une fois tous les trois mois du X toutes seules et ce n'est pas pour faire plaisir à leur conjoint.»
Cependant, Grégory Dorcel adhère au fait «de tirer la sonnette d'alarme sur la protection des mineurs. Cela fait quatre ans qu'on le fait. Si cela peut faire bouger les choses et générer une action publique, ça serait fantastique». De plus, comme nous l'explique Grégory Dorcel, «on travaille avec les associations de protection de l'enfance et avec des associations féministes. Nous n'avons jamais eu aucun problème, bien au contraire.»
Les plateformes de diffusion de vidéos gratuites responsables?
En effet, «ce sont justement les images que notre industrie ne distribue et ne produit pas, il n'y a donc pas d'amalgame à réaliser.» Pour Thierry Bonnard, d'une part ces entités ne respectent pas les lois en vigueur, d'autre part, elles pénalisent l'industrie française avec l'aide du gouvernement, si celui-ci «ne fait pas de table ronde avec les quelques acteurs du milieu pour réfléchir intelligemment aux solutions.»
«Ces consortiums qui ne sont soumis à aucune juridiction vont continuer à agir impunément parce que l'on ne pourra pas les y obliger. En revanche, les quelques boîtes françaises qui restent et qui résistent vont être pénalisées au quotidien. Alors que Mindgeek (Pornhub, Youporn, Tube8, etc) a commencé le travail en tuant 70% des producteurs, le gouvernement va finir le travail.»
De nombreuses solutions pour limiter l'accès à la pornographie
Des solutions existent déjà pour limiter l'accès de la jeune génération à la pornographie, comme l'indique Grégory Dorcel. «L'ensemble de l'industrie est tout à fait encadrée et suit des lois qui sont assez strictes en matière de télévision, que ce soit en VOD ou en chaîne de télévision.» Toutefois, ces nouvelles plateformes de diffusion gratuite ont mis en péril un modèle qui semblait efficace.
«Les contenus sont restreints de minuit à cinq heures, avec un contrôle parental, un verrouillage, un double verrouillage. Il en a été de même sur le Web, où effectivement pour avoir accès à du contenu pornographique, il fallait le payer et donc il fallait utiliser une carte bleue que seuls les majeurs possèdent. Le système fonctionnait très bien.»
Néanmoins, une solution radicale existe pour le directeur général de Marc Dorcel: «donner une injonction aux fournisseurs d'accès Internet en France, de bloquer l'accès à ces sites qui contreviennent au Code pénal.»
«Pour la première fois, on commence à entrevoir des solutions à peu près pragmatiques et des solutions que l'on prône depuis quatre ans maintenant. La présidence a soulevé l'éventualité d'élargissement des compétences du CSA en la matière, ce qui, à titre personnel, me paraît être une bonne chose. Ce sont des solutions pragmatiques qui pourraient commencer à se mettre en place pour résoudre un problème qui est devenu majeur.»
Pourtant, ces solutions ne font pas consensus. Thierry Bonnard juge que la volonté de contrôler ou réguler Internet est «utopique et liberticide.»
«La solution serait d'éduquer les jeunes sur le bon comportement à avoir, de rappeler aux parents qu'il est de leur responsabilité également de surveiller la navigation de leurs enfants mineurs. Et le cas échéant de les sensibiliser sur le fait que nous réalisons du divertissement pour adultes.»
Et de conclure,
«De manière générale, avant Internet, les jeunes se passaient des magazines sous le manteau, s'échangeaient la VHS du dernier film Canal+, etc. Les jeunes ont toujours eu accès au porno. C'est certes plus simple, mais, quelle que soit la mesure mise en place, ils y arriveront toujours, donc autant les éduquer.»