«Rouler trop vite ou harceler une femme dans la rue, c'est pareil»: afin de changer certains comportements dans la société, Emmanuel Macron s'apprête, d'après L'Opinion, à lancer samedi «la grande cause de son quinquennat», son plan pour l'égalité femme-homme.
Côté répression, nos confrères évoquent la création d'une infraction de harcèlement de rue, l'allongement du délai de prescription pour les crimes sexuels sur mineur ou encore l'instauration «d'un âge de présomption de non-consentement» qui se situerait «entre 13 et 15 ans», suivant les positions respectivement défendues par Nicole Belloubet et Marlène Schiappa.
Enfin, le gouvernement souhaite aider à libérer la parole des victimes de violences avec la généralisation des pré-plaintes en ligne.
«Il faudrait aussi qu'il y ait une parole qui se libère sur ce qui se passe en ce moment. Alors que là, on est plus sur ce qui s'est passé il y a un certain temps. Il y a encore un énorme blocage»,
estime pour sa part la politologue Janine Mossuz-Lavau, directrice de recherche CNRS émérite au CEVIPOF. Si cette spécialiste des questions de genre, des politiques de la sexualité ainsi que sur les comportements sexuels, salue l'initiative du Président de la République et du gouvernement, elle regrette néanmoins que de telles mesures n'aient pas été envisagées et prises plus tôt. Ce, d'autant plus qu'Emmanuel Macron avait clairement pris position sur la question durant la campagne présidentielle.
«Il faut bien voir que les femmes qui dénoncent s'exposent à des représailles et donc on comprend que certaines ne se sentent pas la force- l'énergie- de faire ce genre de choses […] C'est plus facile dans certains milieux que d'autres.»
Constat amer que dresse la politologue d'une réalité trop souvent passée sous silence:
«C'est là qu'il y a un problème, parce qu'il n'y a pas assez de lieu d'hébergement, pas assez d'argent, pour mettre à l'abri un certain nombre de femmes et c'est quand même là que se nouent un certain nombre de choses.»
Janine Mossuz-Lavau souligne le fait que les violences, une fois dénoncées aux autorités par une victime, ne font généralement que «monter en gamme» à son égard, mettant en danger sa vie. Notre experte en vient donc à un autre cas de figure envisageable dans de telles situations: celui de «mettre dehors» le conjoint violent.
«Cela serait la moindre des choses: quelqu'un qui cogne sa femme, on le met dehors! Faudrait que cela soit aussi simple que ça. Cela ne l'est pas, malheureusement, et je pense que c'est là qu'il y a le risque que des violences qui étaient "moyennes" deviennent des violences supérieures et mettent en danger la vie des femmes.»
Si pour elle, l'école a bien un rôle à jouer, celui-ci ne doit en aucun cas escamoter la responsabilité des parents qui, selon elle, restent mieux placés que les autorités publiques pour inculquer les bonnes valeurs en matière de savoir-vivre, de savoir-être et de respect d'autrui.
«Je pense qu'il y a un soutien à la parentalité à avoir, ce n'est pas à l'Etat de former les enfants. […] l'Etat a comme rôle de transmettre un savoir aux enfants —du domaine de la Culture, de la scolarité- de les former, mais l'éducation à la relation avec l'autre- au bien commun, au respect de soi même- c'est en priorité les parents, l'école complète.»
Selon elle, cette éducation de valeurs ne peut être prodiguée que par la cellule familiale, en laquelle l'enfant a confiance. Pour Marie Ménager, le gouvernement devrait donc davantage se concentrer sur la transmission «d'outils» aux parents afin de les aider dans cette tâche et le rôle de l'école devrait se limiter- en la matière- à la détection des actes de violences, notamment de pédophilie, qui peuvent être commis au sein de cette cellule familiale.
«Il me semble plus judicieux de faire des propositions pour les parents, pour les former —déjà, cela coûterait moins cher à l'Etat et cela serait plus efficace sur la durée, car ce n'est pas deux, ni même dix, clips qui vont faire changer les choses: la preuve en est avec les accidents de la route […]- pour qu'eux prennent en main la situation de leurs enfants, mais avec des outils qu'on leur donne et s'ils sont démunis il faut leur apporter ces outils!»
Si Janine Mossuz-Lavau est d'accord avec l'aide à fournir aux parents, elle estime qu'ils «ne peuvent pas tout faire» et met particulièrement en garde contre le fait que ces derniers sont parfois loin d'être des exemples à suivre pour leurs enfants. Elle souligne ainsi le rôle central que peut tenir l'École sur une telle problématique, étant donné qu'il est «le premier lieu où tous les enfants ont l'obligation d'aller et sont en collectivité». L'école, un lieu où on peut leur enseigner un autre comportement que celui qu'ils ont pu observer dans leur cellule familiale.
«Vous en avez qui ont vu leur mère se faire cogner par leur père ou leur sœur se faire cogner par leur grand frère, etc. Donc comment voulez-vous que ceux-là- que la famille leur inculque l'égalité homme-femme- en arrivant à l'école ils se disent "ah oui c'est bien l'égalité homme-femme" alors qu'ils ont été socialisés dans un autre contexte», explique la politologue.
Cependant, pour Janine Mossuz-Lavau la sensibilisation ainsi que la formation à ces problématiques ne se limitent pas au public des écoles: services sociaux, policiers, médecins sont aussi concernés:
«Cela suppose aussi un renforcement des formations qui sont données à tous les acteurs susceptibles de recevoir des plaintes, parce que souvent ils ne sont pas formés. Notamment, je sais qu'il y a parfois des difficultés pour faire reconnaître le viol conjugal, par exemple. Parce qu'il y a encore dans beaucoup de têtes l'idée que si on est dans le même lit… si on est marié… il y a encore chez les gens aussi la vieille idée —qui heureusement a été supprimée de la loi- de devoir conjugal.»
Enfin, on notera la tendance des journalistes à parler de «violences sexuelles et sexistes», une mise au même niveau de deux violences faites aux femmes, mais aux conséquences particulièrement distinctes. Un point qui, pour le coup, met nos deux intervenantes d'accord.