Expulsions de sans-papiers: Air France et la Police se renvoient la balle

© AFP 2024 Valery HacheAir France
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Turbulences entre le transporteur Air France et l’État au sujet des reconduites à la frontière des personnes en situation irrégulière. Les compagnies aériennes devraient faire appel à des sociétés de sécurités privées pour reconduire des sans-papiers, sous peine d’amende. Un bras de fer qui ne date pas d’hier.

«Ça ne me surprend pas. Malheureusement, ça fait 15 ans que ça dure. C'est un conflit de droit et d'éthique», commente la politologue Catherine Wihtol de Wenden.

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Le conflit en question oppose l'État et Air France, qui, d'après le site d'info Streetpress, se voit sommée de recourir à des agents de sécurité pour convoyer les sans-papiers expulsés de France. Militante du droit à l'immigration en France, Catherine Wihtol de Wenden a travaillé un temps à la commission nationale de la déontologie de la sécurité et peut le certifier: les reconduites par les airs sont rares, mais violentes.

«Les passagers peuvent témoigner du fait que les gens sont scotchés physiquement, attachés, que c'est inhumain de reconduire des gens dans ces conditions-là. Il y a déjà eu des morts, lors de reconduite à la frontière.»

Un commandant d'Air-France, sous-couvert d'anonymat, atteste:

«la personne est livrée à bord à l'horizontal, ficelée de partout comme des colis et on les attache au fond, en fonction de l'état de nervosité de la personne.»

Il poursuit:

«Il faut absolument que cela soit l'armée qui prenne en charge ce genre de cas. Il y a très souvent des avions militaires qui s'envolent vers l'Afrique et cela devrait être à eux de prendre en charge ces reconduits aux frontières ».

Entre la police et le chef de bord, c'est ce dernier qui décide si, oui ou non, une personne peut rester dans un avion, en cas de problème de sécurité. Les commandants ne veulent pas convoyer de personne expulsée:

«parce qu'ils savent que ça va être un vol très compliqué avec contestation dans l'avion, usage de brutalité. Les gens qui ont pris Air France vont être choqués de la façon dont sont traités les sans-papiers.»

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La loi immigration du 7 mars 2016, prévoit que les compagnies aériennes doivent désormais utiliser «tous les moyens» pour encadrer certaines reconduites à la frontière. Or, pour la compagnie française «seul un service de l'État peut contraindre un passager à demeurer dans l'avion». De son côté, la police rétorque qu'en cas de refus de la part de la compagnie, elle devra s'acquitter d'une amende de 30.000 euros.

«En réalité, je ne suis pas sûr qu'ils puissent véritablement mettre en œuvre ce genre de choses. Parce que cela donne lieu à une action en justice, les passagers donnent raison au chef de bord ou au sans-papiers, et on s'engage dans une procédure longue et compliquée.»

Et c'est sûrement ce qui risque de se produire. Comme le note Streetpress, la compagnie Air-France a déjà a décidé d'attaquer la légalité de ces amendes devant le tribunal administratif, plusieurs procédures sont en cours.

«On peut s'attendre à un futur grand procès, mais il y en a déjà eu plusieurs, ou une décision de la part de police de faire des vols charters et dans ce cas ce n'est plus Air France, mais les charters payés par la police pour reconduire les gens.»

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En attendant, les policiers «appliquent ce qu'on leur dit de faire» et Air France se voit contrainte de passer par des sociétés de sécurité privée, pour que «deux escortes» accompagnent la personne sans-papier. Streetpresse ajoute: «le service presse de la direction générale de la police nationale nie être à l'origine de la mise en place de ces escortes privées. "Le procédé a été demandé à Air France", confirme pourtant le service presse de l'entreprise qui pour l'instant refuse de le mettre en application».

«C'est parce que l'État n'a pas les moyens, humains ou financiers, de prendre un charter pour deux personnes. Alors que s'il y a deux personnes sans papiers à reconduire, on prend une ligne régulière»,

et l'on compte sur les compagnies privées, ce qui se termine souvent par « une partie de bras de fer entre la police et le commandant de bord». 

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