«Ça ne me surprend pas. Malheureusement, ça fait 15 ans que ça dure. C'est un conflit de droit et d'éthique», commente la politologue Catherine Wihtol de Wenden.
«Les passagers peuvent témoigner du fait que les gens sont scotchés physiquement, attachés, que c'est inhumain de reconduire des gens dans ces conditions-là. Il y a déjà eu des morts, lors de reconduite à la frontière.»
Un commandant d'Air-France, sous-couvert d'anonymat, atteste:
«la personne est livrée à bord à l'horizontal, ficelée de partout comme des colis et on les attache au fond, en fonction de l'état de nervosité de la personne.»
Il poursuit:
«Il faut absolument que cela soit l'armée qui prenne en charge ce genre de cas. Il y a très souvent des avions militaires qui s'envolent vers l'Afrique et cela devrait être à eux de prendre en charge ces reconduits aux frontières ».
Entre la police et le chef de bord, c'est ce dernier qui décide si, oui ou non, une personne peut rester dans un avion, en cas de problème de sécurité. Les commandants ne veulent pas convoyer de personne expulsée:
«parce qu'ils savent que ça va être un vol très compliqué avec contestation dans l'avion, usage de brutalité. Les gens qui ont pris Air France vont être choqués de la façon dont sont traités les sans-papiers.»
«En réalité, je ne suis pas sûr qu'ils puissent véritablement mettre en œuvre ce genre de choses. Parce que cela donne lieu à une action en justice, les passagers donnent raison au chef de bord ou au sans-papiers, et on s'engage dans une procédure longue et compliquée.»
Et c'est sûrement ce qui risque de se produire. Comme le note Streetpress, la compagnie Air-France a déjà a décidé d'attaquer la légalité de ces amendes devant le tribunal administratif, plusieurs procédures sont en cours.
«On peut s'attendre à un futur grand procès, mais il y en a déjà eu plusieurs, ou une décision de la part de police de faire des vols charters et dans ce cas ce n'est plus Air France, mais les charters payés par la police pour reconduire les gens.»
«C'est parce que l'État n'a pas les moyens, humains ou financiers, de prendre un charter pour deux personnes. Alors que s'il y a deux personnes sans papiers à reconduire, on prend une ligne régulière»,
et l'on compte sur les compagnies privées, ce qui se termine souvent par « une partie de bras de fer entre la police et le commandant de bord».