La France subit-elle une vague migratoire? En tout cas, pas de la part de travailleurs étrangers recrutés pour leurs compétences: l'OCDE vient de consacrer 350 pages à l'étude de l'immigration professionnelle, qui tordent le cou à certaines idées reçues.
Le terme de «"migration économique" est fallacieux et continue à dévoyer la discussion sur les politiques migratoires», car il laisse à penser que l'émigration serait légitime pour ceux qui relèvent de la protection internationale et pas pour d'autres catégories de migrants, éveillant ainsi un suspicion d'illégalité. Or, il n'en est rien: l'OCDE souligne que «la très grande majorité des migrations enregistrées» vers les pays relevant de sa structure «s'effectue par le biais de canaux légaux et de manière ordonnée et à d'autres motifs que celui de la protection internationale.»
Cela étant dit, qui sont ces ressortissants non-européens qui viennent, en petit nombre, travailler en France? L'année dernière, Paris a délivré 28.000 titres de séjour pour motif d'emploi, dont 6.000 régularisations et 13.000 changements de statut, principalement des étudiants se lançant dans la vie professionnelle. Le rapport souligne également que «l'immigration familiale et les ressortissants de l'Union européenne contribuent en effet chacune au moins deux fois plus au marché du travail que les migrations professionnelles originaires de pays tiers». En clair, on est encore assez loin d'une immigration «choisie», pour reprendre le slogan de Nicolas Sarkozy.
, la lourdeur des procédures administratives peut également en décourager ou en défavoriser certains: «Le rapport de l'OCDE montre que les procédures d'octroi d'autorisations de travail sont complexes, sujettes à des modalités de traitement différenciées sur l'ensemble du territoire et peu transparentes pour les employeurs, ce qui tend à défavoriser les PME.»
Surtout, la France «semble souffrir d'un déficit d'attractivité pour certaines catégories de travailleurs hautement qualifiés», malgré le «passeport talent», adopté en 2016, qui permet de réduire les passages en préfecture (ce qui n'est pas négligeable), rester plus longtemps sur le territoire, etc.
Comment alors repenser la politique d'immigration professionnelle? D'après François Gemenne, interrogé par BFMTV, que le gouvernement soit de gauche ou de droite, la constante est la suivante: «on donne environ 200.000 permis de séjour pour des étrangers non européens. […] on accueille le même nombre d'immigrés et on renvoie le même nombre d'immigrés». Une méthode purement «managériale», qui empêcherait de repenser la politique en profondeur.
Mais comment les autres pays gèrent-ils cette question?
«Il y a le système des quotas, c'est ce que fait le Canada et ce que propose François Fillon; il y a le système de la loterie, c'est ce que font les États-Unis avec la Carte verte; et il y a le système de points, comme en Nouvelle-Zélande, où les immigrés qui veulent entrer ont un certain nombre de points selon leurs compétences.»
«L'immigration ne devrait pas inquiéter la population française (…) elle se révèle une chance d'un point de vue économique, culturel, social», affirmait Emmanuel Macron, alors candidat En Marche!,. Il déclarait alors, en mars, dans une revue protestante:
«Je ne crois pas en revanche aux politiques de quotas, parce qu'on ne sait pas les faire respecter: déciderions nous demain d'avoir un quota de Maliens ou de Sénégalais d'un côté, d'informaticiens, de bouchers de l'autre, comme certains le proposent, un tel dispositif serait quasiment impossible à piloter.»
Pierre angulaire de ses propositions sur la question, «l'intégration»: il souhaite offrir «à chaque étranger en situation régulière une formation linguistique» et «inciter les communes à lancer des programmes locaux d'intégration», n'en déplaise à une partie de la population «inquiète».
Quoi qu'il en soit, la France recrute toujours très peu de travailleurs étrangers qualifiés.