Lundi 13 novembre, lors d'un point presse, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a confirmé que «si besoin était, de nouvelles sanctions pourraient être prises» contre l'Iran et son programme balistique. Il va ainsi dans le sens du Président, qui avait mentionné des sanctions quelques jours plus tôt à Riyad. Malgré les apparences, ce scénario est peu probable, estime Hervé Ghannad, directeur des programmes à la Weller International Business School (WIBS), spécialiste de l'Iran et auteur du livre «Identité et politique extérieure de l'Iran».
Menacer de sanctions l'Iran pour ces missiles balistiques, c'est une posture diplomatique. Elle rassure les Saoudiens, mais elle met en garde les Iraniens, prévient-il.
«Ce n'est pas si simple que ça. Les sanctions sont votées par le Conseil de sécurité, il peut y avoir un boycott des Russes, il faut prouver que le missile était iranien. Il l'était sûrement, car les Houthis sont chiites, et il s'est créé un arc chiite entre le Liban, le Bahreïn et le Yémen, qui contrecarre l'hégémonie saoudienne. Et il est évident qu'en fin de compte, l'Iran en profite pour vendre des armes, faire du commerce et se positionner», a déclaré le spécialiste.
Après son passage aux Émirats arabes unis, Emmanuel Macron s'est rendu en Arabie saoudite, jeudi 9 novembre. Une rencontre, de deux heures, en pleine nuit qui n'était pas prévue. Cette visite s'est faite le temps de rencontrer le jeune prince héritier Mohammed ben Salmane, considéré comme l'homme fort d'Arabie saoudite, rival de l'Iran.
Le jeu des Saoudiens? Non, car il n'a pas intérêt à se mettre à dos les Iraniens, ni à être complaisant vis-à-vis de l'Arabie saoudite: il en va de la stabilité de la région. Et «l'intérêt d'une région est sa stabilité, l'intérêt d'une région est le développement économique», selon le directeur de WIBS.
D'après M.Macron, l'accord de Vienne sur le nucléaire iranien, conclu en 2015, «doit être préservé» mais «complété par deux piliers, une négociation sur l'activité balistique de l'Iran, avec des sanctions si besoin, et une discussion stratégique encadrant l'hégémonie iranienne dans toute la région».
«Est-ce que l'Iran est prêt à faire des concessions? Pour tout ce qui est balistique, je ne pense pas. Ou alors ce sera encadré, mais est-ce qu'on a le droit d'encadrer des armes balistiques, alors que l'Occident fabrique des armes balistiques? C'est un peu embêtant d'imposer à des gens des restrictions, alors que soi-même on a une certaine liberté de création et de vente», a souligné l'expert.
Selon M.Ghannad, les Iraniens ont le droit de développer des lanceurs, mais il faut savoir dans quel but et à quelles fins. Le Président Macron donne finalement une sorte de cadre précis: «à quel fin». Ce sera l'objet des négociations qui vont se dérouler lors de sa visite à Téhéran. C'est préparer les futures négociations sur les missiles balistiques sur l'accord de Vienne et son futur.
Rien ne prouve à ce stade que le missile soit iranien. Et quand bien même il le serait, rien ne prouve non plus qu'il ait été vendu ou donné aux Houthis. La menace de sanctions n'effraie pas les Iraniens.
«Ils sont assez grands pour ne pas trembler, ils ont beaucoup de recul. Ce n'est pas une question d'avoir peur ou de rapport de force. […] C'est la montée en puissance de deux pays qui étaient sous perfusion avec l'Occident et qui arrivent à avoir leur indépendance. C'est une sorte de décolonisation», a-t-il noté. «Il [Emmanuel Macron] a une stature intelligente, il essaie de contrecarrer le Président Trump qui lui cherche la théorie du chaos.»
«Ce n'est qu'une déclaration», estime le spécialiste, «on n'est pas en guerre, il faut prendre un peu de recul.»
«Pour l'instant, on ne peut pas se permettre de réunir le Conseil de sécurité et faire à nouveau une ultime sanction, alors qu'on est en levée de sanctions partielles, via le cadre des accords de Vienne», a conclu M.Ghannad.