Armes du Jugement dernier: les essais les plus destructeurs de bombes thermonucléaires

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Le minuscule atoll d'Eniwetok en Micronésie, perdu quelque part dans le Pacifique, est devenu tristement célèbre il y a 65 ans. Le 1er novembre 1952, à exactement 7:05 heure locale, les militaires américains ont testé le prototype de la première bombe à hydrogène de l'histoire de l'humanité.

En quelques secondes ce petit coin de paradis s'est transformé en véritable enfer. Tout a commencé par un flash aveuglant. L'onde de choc qui a suivi a balayé tous les arbres et les bâtiments. L'eau de mer était en ébullition, le sable fondait, le sol brûlait. Et un immense champignon blanc haut comme l'Everest s'est élevé au-dessus de l'incendie, recouvrant de son «chapeau» un territoire de 161 km de diamètre. La puissance de l'explosion a atteint le record de 10,4 mégatonnes — presque 700 Hiroshima. Seul l'astéroïde qui avait marqué le début de la période glaciaire il y a 65 millions d'années avait davantage secoué la planète. Par la suite, l'humanité a «joué» plusieurs fois avec d'autres bombes plus puissantes. Coup de projecteur sur les essais les plus destructeurs de cette arme par les superpuissances mondiales.

Une bombe de la taille d'une maison

La munition Ivy Mike a entièrement détruit l'atoll d'Eniwetok — l'explosion a formé un cratère de presque 2 km de diamètre. Les chercheurs américains qui observaient la détonation à une distance sûre étaient satisfaits des essais: ils venaient de provoquer pour la première fois sur notre planète une réaction thermonucléaire, qui n'a lieu dans des conditions naturelles que dans le sous-sol du Soleil et d'autres étoiles. Cela a été rendu possible en mélangeant les isotopes d'hydrogène, le deutérium et le tritium, et en les chauffant jusqu'à des millions de degrés par l'explosion d'une faible charge atomique à l'intérieur de la munition principale. Toutefois, la munition Ivy Mike n'était pas une bombe à proprement parler car elle était trop encombrante — de la taille d'une maison de deux étages, elle pesait 82 tonnes.

1er novembre 1952: les Etats-Unis testent leur première bombe H - Sputnik Afrique
1er novembre 1952: les Etats-Unis testent leur première bombe H
Les militaires américains ont fait exploser une bombe H à proprement parler un an et demi plus tard, le 1er mars 1954. Les essais, sous le nom de code Castle Bravo, se sont déroulés sur l'atoll de Bikini dans les îles Marshall. Le Pentagone utilisait ce polygone depuis longtemps pour tester des charges nucléaires et thermonucléaires. Le nouvel engin, appelé SHRIMP (crevette), était bien plus compact qu'Ivy Mike et se présentait sous la forme d'un tube de 4,5 m de long, de 1,35 m de diamètre pesant 10,5 tonnes. L'objectif des essais consistait à créer une munition de taille convenable pour être transportée par un bombardier lourd. Par la suite, les résultats de Castle Bravo ont servi à la mise au point de la bombe H aérienne Mk21 restée en service jusqu'en 1962.

Les «crevettes» utilisaient pour la première fois en tant que combustible thermonucléaire du deutérure de lithium, qui se trouvait dans une enveloppe d'uranium appauvri. La puissance prévue de la munition était comprise entre 4 et 8 mégatonnes. Néanmoins, son explosion a dépassé toutes les attentes. Castle Bravo a explosé comme 15 millions de tonnes de tolite. Les observateurs dans le bunker ont décrit l'effet de l'explosion comme un puissant séisme ayant fait trembler l'abri. Le champignon était bien plus volumineux qu'Ivy Mike: 60 km de haut avec un diamètre du «chapeau» de 100 km, et un diamètre du «tronc» de 7 km. L'explosion a provoqué des destructions plus importantes, changeant à tout jamais l'apparence de l'atoll de Bikini.

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La contamination radioactive des lieux était également majeure. Comme l'ont souligné les sources américaines, Castle Bravo était l'explosion la plus polluante de toute l'histoire des essais nucléaires américains. Une zone de 550x100 km a été contaminée. Le vent a rapidement propagé les précipitations radioactives: 7 heures et demie après l'explosion a été enregistrée une hausse du fond radioactif sur l'atoll de Rongerik, à 240 km de l'épicentre. 28 militaires américains se trouvant sur place ont reçu une forte dose de radiations et ont été évacués d'urgence. Le nuage de précipitations radioactives a également recouvert le bateau de pêche japonais Fukuryu Maru à 170 km de Bikini. Tout l'équipage a été fortement irradié — environ 300 röntgens chacun — et tous ont été handicapés à vie. Le transmetteur du navire est décédé six mois plus tard. Cet incident a provoqué une vague de manifestations antinucléaires au Japon et dans le monde.

La réponse de l'URSS

La première bombe H soviétique a explosé sur le polygone de Semipalatinsk le 12 août 1953 — moins d'un an après la bombe américaine Ivy Mike. La puissance de la munition RDS-6s était bien inférieure à celle des USA: près de 0,4 mégatonne. En revanche, elle était bien plus compacte et pouvait facilement être embarquée à bord du Tu-16. Néanmoins, la bombe n'a pas été lancée par un appareil: elle a été fixée sur un mât spécial de 40 mètres de haut. A cinq mètres du mât a été installé un bunker renforcé enregistrant les paramètres de l'explosion. Au total, plus de 500 capteurs de mesure et d'enregistrement différents ont été installés dans les abris et à la surface. 16 avions ont filmé les essais.

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Pyongyang n'aurait pas testé un engin thermonucléaire au sens propre du terme
L'ordre d'explosion a été donné à 7:30 du matin heure locale. Les chercheurs soviétiques assistant aux essais ont reconnu que la puissance de l'explosion était 20 fois supérieure par rapport à la première bombe atomique de l'URSS. Dans un rayon de 4 km de l'épicentre, les bâtiments en brique ont été entièrement détruits. Un pont ferroviaire avec des travées de 100 tonnes situé à un kilomètre de l'explosion a été déplacé de 200 mètres par l'onde de choc, comme un carton. L'explosion a formé un nuage radioactif de 100x200 km.

Ces essais ont suscité une véritable panique aux États-Unis. Alors que les Américains disposaient d'une bombe de la taille d'un immeuble, l'URSS possédait une arme destructrice pouvant être embarquée dès le lendemain par un avion pour être larguée sur un ennemi. Par la suite, il a été possible d'augmenter la puissance de l'engin: la bombe compacte RDS-37 testée le 22 novembre 1955 a explosé en affichant une puissance de 1,6 mégatonne. Les scientifiques, les ingénieurs et les constructeurs soviétiques avaient franchi pour la première fois la barre d'une mégatonne.

On estime à juste titre que la bombe H la plus puissante de tous les temps est la Tsar Bomba à hydrogène AN602 de 58 mégatonnes conçue en URSS en 1954-1961. Ce monstre de 8 mètres pesant 26,5 tonnes a été testé le 30 octobre 1961 sur le polygone nucléaire de Soukhoï Nos à la Nouvelle-Zemble. La bombe a été transportée par le bombardier stratégique spécialement modifié Tu-95V. L'AN602 a été lancée à 10,5 km d'altitude pour exploser à 4.200 m. Durant ce délai, l'avion avait réussi à s'éloigner de 40 km mais il a tout de même ressenti l'onde de choc. Plus personne n'a revu depuis ce que ses pilotes ont pu observer de leurs yeux.

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«Nous sommes à deux doigts d'une guerre nucléaire»
La boule de feu a atteint un diamètre d'environ 4,5 km. Le champignon nucléaire est monté jusqu'à presque 70 km et est sorti de la stratosphère. L'onde sismique provoquée par l'explosion a fait trois fois le tour de la planète. L'ionisation de l'atmosphère a engendré des perturbations de radio-liaison à des centaines de kilomètres du polygone pendant 40 minutes. Le rayonnement lumineux pouvait potentiellement provoquer des brûlures de troisième degré jusqu'à 100 km. En revanche, la pollution radioactive était pratiquement nulle — les premiers chercheurs sont apparus dans l'épicentre seulement deux heures après l'explosion.

Les concepteurs de la Tsar Bomba ont prouvé que la puissance de l'arme thermonucléaire n'avait pratiquement pas de limites. Mais, heureusement, plus aucun pays du monde ne s'est risqué à tester une munition plus puissante. Des milliers d'essais nucléaires et thermonucléaires organisés par différents pays ont déjà infligé un sérieux préjudice à la planète. Chaque être vivant reçoit en moyenne 7 à 10 microsieverts par an à cause des essais. Toutefois, dans les lieux proches des polygones nucléaires — et ils sont nombreux — ces chiffres peuvent être bien plus élevés.

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