Détecter les salariés radicalisés: work in progress…

© AP Photo / Frank AugsteinLa police municipale française
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Entre pratiques rigoristes et radicalisation dangereuse, la frontière peut être mince et peut conduire à des amalgames, tout en soulevant la question de la laïcité. Sommées de détecter les individus radicalisés, les entreprises peuvent-elles réussir là où les radars institutionnels ont échoué?

Difficiles de surveiller les quelques 16.000 fichés S par le renseignement… et les radicalisés non fichés. Le monde de l'entreprise n'est pas épargné et il est prié de se mettre au travail. À cet effet, les employeurs disposent d'un guide de détection des salariés en voie de radicalisation, « élaboré, au sein d’un groupe de travail dédié, par l’ensemble des ministères impliqués dans le champ de la prévention de la radicalisation »… un guide qui ne devraient pas permettre d'identifier les plus motivés parmi les radicalisés, selon le sociologue Farhad Khosrokhavar, spécialiste des questions de radicalisation:

«Bon nombre de djihadistes font tout pour ne pas être visibles. Exactement comme en prison. Ce qui fait que ces guides ne servent pas à grand-chose sur ce plan. Par contre, cela peut servir à rassurer le public, faire en sorte que le fondamentalisme ne puisse pas être trop visible au sein de l'entreprise, parce qu'en France, à juste titre ou non, je ne juge pas, il peut être perçu comme étant une manière de remettre en cause la citoyenneté laïque».

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Selon le chercheur, le problème consiste à distinguer l'islam fondamentaliste et islam radical, sachant que rares sont les cas où le fondamentalisme a débouché sur une radicalisation.
Un indicateur ne saurait à lui seul identifier un terroriste caché. Le guide recense un catalogue d'indices dont on se demande s'ils sont si réels (consultation de sites extrémistes), ou pertinents (changement d'apparence). Des signaux classés de «faible» à «fort» en intensité et répartis dans cinq domaines différents (ruptures, environnement personnel de l'individu, discours, etc.), sont supposés aider à la détection de la radicalisation, à recouper avec l'âge, car si «on est dans la cinquantaine et plus, le risque de radicalisation est faible».

« S'il n'y a pas ce type de guide, les gens vont dire ‘nous n'avons pas d'indication'. Mais avec, ça rassure. Mais est-ce que ça rend impossible ou improbable le djihadisme au sein de l'entreprise, la réponse est, dans l'écrasante majorité des cas, non», tranche Farhad Khosrokhavar.

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Même dans le cas où une entreprise repérerait un cas de radicalisation, l'entreprise est démunie, explique Farhad Khosrokhavar: «Les entreprises ne peuvent pas, légalement, faire quelque chose. Sauf si on passe une loi». En l'absence d'une telle législation, pour écarter un salarié suspect, l'entreprise doit compter sur «son bon sens», rappeler les règles à appliquer, ou encore changer de poste l'individu concerné, estime Farhad Khosrokhavar.

Une gestion difficile pour une entreprise comme la RATP, qui s'était retrouvée au cœur d'une polémique suite à un article du Parisien, présentant l'entreprise de transport parisien comme une des entreprises qui emploient le plus de personnes fichées par les services de renseignement. Néanmoins, si le fichage S est censé être secret, les échanges informels sont possibles:

«Le fiché S est un fiché plus ou moins secret. Il n'est pas accessible, en théorie, à l'entreprise. Si les services secrets interviennent, ils ne peuvent le faire que très discrètement».

« Dans les supermarchés, il y a quelqu'un qui regarde vos sacs. Ça a un côté positif. Mais s'il y a des djihadistes qui viennent, ce sont des gens qui ne sont pas armés, on peut les tuer facilement, rentrer puis tuer d'autres personnes».

En clair, la fonction du guide n'est que «prophylactique»: si la comparaison n'est pas des plus rassurantes, le guide a le mérite de « rassurer le public, et montrer que l'État est présent».

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