«J'affirmerais officiellement que la France reconnaît le statut de l'hymne européen et du drapeau européen, ce qui ne permettra pas à certains d'enlever le drapeau européen de l'hémicycle français ou de tout autre lieu.» Par ces mots, Emmanuel Macron va bientôt doter la France d'un nouveau drapeau et d'un nouvel hymne, à l'occasion du prochain Conseil de l'Europe, les 19 et 20 octobre.
«Une vision européenne totalement utopique» selon Jacques Myard, qui dépeint un Président adepte de symbole et d'allégories. Il rappelle les discours du chef de l'État à l'Acropole ainsi que dans un autre temple de la connaissance, français cette fois, afin de plaider l'Europe «le discours qu'il a prononcé à la Sorbonne est un chef-d'œuvre d'utopie et de fuite en avant européenne. Il veut sublimer la souveraineté française dans une souveraineté européenne, ce qui est totalement illusoire.» Pour l'ancien député, le président va à l'échec «car nos partenaires européens ne veulent pas de cette vision qui date des années 50, voire 60.» Une tendance qu'il estime même dangereuse à l'heure où des régions réclament plus d'autonomie, voire l'indépendance.
«L'Europe se fera par la coopération internationale et pas par l'intégrisme utopique d'un super État, qui ne fera qu'accroître les tensions entre les États membres et les peuples.» s'emporte Jacques Myard.
Une initiative du Président motivée par la demande de députés de La France Insoumise (LFI) de retirer de l'hémicycle de l'Assemblée nationale la bannière européenne. Le 6 octobre, un projet d'amendement avait été déposé en Commission des Lois par plusieurs députés LFI afin de remplacer le drapeau européen par celui de l'Onu. Le projet d'amendement avait rejeté et valu aux élus une volée de critiques de leurs homologues LREM et Modem.
La reconnaissance du drapeau européen, une initiative qui n'est pas du goût de nombreux responsables politiques et pas seulement à l'extrême gauche. Ainsi, le député souverainiste et Président de Debout la France, Nicolas Dupont-Aignan, n'a-t-il pas tardé à réagir aux propos d'Emmanuel Macron. Mardi 10 octobre, celui-ci a dénoncé dans un communiqué un «véritable coup d'État symbolique», y voyant «la fin de la démocratie nationale» et la supplantation pure et simple du drapeau tricolore par le drapeau européen.
«Vouloir reconnaître ce drapeau, c'est tuer la liberté du peuple français de choisir son destin, puisqu'il n'y a aucune démocratie au niveau européen» a ajouté l'ancien candidat à la présidentielle, réclament un référendum sur la question.
«Il viole le traité de Lisbonne, il foule au pied le référendum de 1995 et il va à l'encontre des traités constitutifs de l'Union européenne», appuie Jacques Myard.
L'ancien député insiste sur le fait que « dans le traité de Lisbonne on est revenu […] à une conception d'organisation internationale pour l'Union européenne et on a rejeté —symboliquement et fermement- l'emblème européen comme drapeau, tout comme l'hymne.»
Pour Nicolas Dupont-Aignan, «reconnaître ce drapeau, c'est tuer la liberté du peuple français de choisir son destin puisqu'il n'y a aucune démocratie au niveau européen,» des propos qui font furieusement écho à ceux du Président de l'Union Populaire Républicaine (UPR), François Asselineau, qui déclarait lors d'une interview accordée à nos confrères de RT en janvier «On ne peut pas avoir de démocratie dans le cadre de l'Union européenne, tout simplement parce qu'il n'y a pas de peuple européen.»
Un rejet du traité constitutionnel européen de 2005 qui, également pour Jean-Luc Mélenchon, «vaut décision du peuple français sur le sujet». Pour lui aussi, «La Constitution française prévoit que le drapeau tricolore est notre emblème national et n'en envisage aucun autre.»
Nuance de taille toutefois, là où Nicolas Dupont-Aignan voit une atteinte évidente à la souveraineté française, le leader de la France insoumise y voit avant tout une atteinte à la laïcité, la bannière européenne exprimant selon lui «une vision confessionnelle de l'Union».
Une ligne que Jean-Luc Mélenchon tient depuis sa première charge à l'encontre de la présence de la bannière étoilée au Palais Bourbon: en juin, au lendemain de son élection, le nouvel élu avait, lors de sa visite à l'Assemblée nationale, déclaré «franchement, on est obligé de supporter ça? […] C'est la République française ici, pas la Vierge Marie. Je ne comprends pas», avait-il ajouté.
Une origine, allégorique, sur laquelle revient également Jacques Myard, celle-ci ayant «été choisie parce qu'à l'époque, la croix qui devait être dans l'emblème du conseil européen a été rejetée par un certain nombre d'États, dont la Turquie.»
Une référence directe à la création du drapeau européen, qui s'inspire de la couronne d'étoile de la Vierge Marie évoquée dans l'Apocalypse de Saint Jean. Un angle d'attaque repris dans un communiqué de Jean-Luc Mélenchon ce mercredi, où il affirme que le Président «ne peut imposer à la France un emblème confessionnel.»
Qu'il s'agisse de l'aspect «confessionnel» de l'emblème européen ou de sa charge symbolique en termes de souveraineté, les opposants à la bannière douze fois étoilée sont donc nombreux. Mais le plus surprenant est sans doute la vigueur de la réplique d'Emmanuel Macron. Jacques Myard y voit le manque d'expérience du Président:
«On voit bien ce qu'il veut faire, il veut rentrer dans une polémique avec la France insoumise, alors qu'il faut éviter de faire cela.»
Peut-être est-il au contraire très habile d'allumer des contre-feux le jour même où les syndicats battent le pavé, tous unis pour la première fois depuis dix ans, contre ses réformes.