Le projet de loi autorisant le gouvernement à réformer le Code du travail par ordonnances a été adopté jeudi 6 juillet en commission parlementaire, et sera donc examiné par l'Assemblée à partir de lundi prochain. Les députés La République en marche, MoDem et Les Républicains ont voté pour, alors que les élus La France insoumise, Parti communiste et Nouvelle Gauche (Parti socialiste et alliés) se sont prononcés contre.
Sur les 233 amendements déposés, plus de la moitié émanaient de la France insoumise et du Parti communiste. Tous ont été rejetés, sans qu'aucun «marcheur» ne prenne la parole pour s'en expliquer. Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, s'est dite ravie des «débats»…
77 amendements étudiés, avec "un taux d'acceptation de 0%". "Evidemment", répond la présidente @BourguignonBrig. #DirectAN pic.twitter.com/SFUqL7x4ij
— LCP (@LCP) 5 июля 2017 г.
Quel bilan tirent les opposants à ce texte? Sputnik a interrogé Adrien Quatennens, député La France insoumise de la 1re circonscription du Nord et membre de la commission des affaires sociales, qui examinait le texte.
Selon le député, cet épisode est symptomatique:
«On a là la quintessence du macronisme: une majorité dominante, composée de gens qui, en commission, n'interviennent pas, et qui votent en cadence chaque article.»
Adrien Quatennens détaille par ailleurs pour Sputnik les différents types d'amendements qui ont été déposés par son groupe, et leurs buts. D'une part, les amendements de fond:
«Nous avons essayé méthodiquement d'argumenter sur le fond, d'expliquer que nos amendements nécessitaient le débat. Les amendements de fond servaient à essayer de limiter le périmètre sur lequel le gouvernement pourrait légiférer: la nature de ce projet de loi fait qu'il détermine non pas ce que va effectivement faire le gouvernement, mais le périmètre sur lequel le Parlement l'autorise à légiférer.»
D'autre part, la France insoumise et le Parti communiste ont voulu exprimer leur désaccord avec la forme:
«Nous avons également présenté des amendements de forme, avec beaucoup d'amendements de suppression, pour contester la méthode employée par le gouvernement: le fait qu'on soit dans une procédure extraordinaire alors que les députés ne sont même pas encore installés, qu'on n'a pas encore de bureaux et que nos collaborateurs ne sont pas encore recrutés. Et il faudrait s'empresser de voter ce projet de loi alors qu'il permet au gouvernement de légiférer sur un périmètre très large…»
«Il y a quelque chose d'historique qui est en train de se passer, avec une forme d'opacité: la période a été méthodiquement pensée pour que les gens ne prennent pas conscience des enjeux et de leur ampleur.»
Malgré son échec, le mode opératoire adopté ici par la France insoumise et le Parti communiste représente donc, selon Adrien Quatennens, le rôle même de l'opposition:
«Notre travail est de démasquer la majorité et d'essayer de vulgariser les enjeux de ce projet de loi. Il était important pour nous de répéter, notamment à la ministre du Travail qui était largement présente pendant nos travaux, que de notre point de vue rien ne justifiait ce projet de loi: le quinquennat précédent a été marqué par la flexibilisation du travail, or, ça n'a pas créé d'emploi, et des études de l'OCDE ont démontré qu'il n'y avait pas de corrélation entre la baisse des droits des travailleurs et la baisse du chômage. Ce projet de loi sert donc quelques intérêts particuliers en prétendant servir l'intérêt général.»
Et de conclure que l'aspect qui pourrait sembler procédurier et vain de cette démarche, vouée à l'échec, n'est pas «beaucoup de bruit pour rien»:
«La démocratie et le débat ne sont jamais "pour rien". Si nous n'avions pas fait ça, on aurait eu un texte qui aurait été validé en commission en quelques heures, alors que les enjeux sont historiques: ce projet de loi vise à retourner l'ensemble de l'ordre juridique et social des 18 millions de personnes qui travaillent dans le secteur privé.»