« Il faut faire pression sur Hypothèses » déclarait l'universitaire Jacques Sapir le 27 septembre. Une semaine après, cette pression s'est fait sentir: le monde universitaire s'est mobilisé: « des professeurs français, italiens, allemands, britanniques, tunisiens, mexicains, espagnols, russes ou au-delà » se sont ajoutés aux nombreux lecteurs de Jacques Sapir. Marin Dacos, le directeur du Centre pour l'Education Electronique Ouverte, s'est dit « fatigué » des 600 messages reçus à ce sujet. « Les gens, quoi qu'ils puissent penser des notes qui se trouvaient sur mon carnet, sont absolument scandalisés », rapporte Jacques Sapir.
Une décision politique?
Les critiques de Jacques Sapir, notamment à l'encontre d'Emmanuel Macron, trop « politiques », auraient été de trop dans le paysage. Le conseil scientifique l'a donc banni à l'unanimité, retirant ses droits d'accès. Mais cette décision n'était-elle pas en elle-même éminemment politique? L'accusation de « politisation » semble s'être retournée contre les accusateurs, débordés par la polémique qu'ils ont fait naître. Alors, censure inquiétante ou mesure de sûreté scientifique?
Un « fan-club » complotiste et injurieux?
« Effectivement, Sapir n'est pas le seul à émettre des opinions politiques sur un carnet d'Hypothèses », admet le membre du Conseil Sylvain Piron, avant d'ajouter: « l'un des carnets ouverts dans la première année d'existence de la plateforme, en 2008, avait pour objectif central de contester l'action du gouvernement… je ne me suis pas privé de critiquer personnellement Nicolas Sarkozy ». Le problème serait donc ailleurs: « de tous les carnets hébergés, Sapir est le seul qui pratiquait l'invective, la diffamation, l'insulte, l'appel au meurtre ». Diantre.
« Que l'on me cite une phrase, une seule! » s'exclame l'intéressé au sujet d'une polémique datant de 2014, ayant vu l'ancien Ministre de l'économie Pierre Moscovici l'accuser d'être « d'extrême-droite ». Et l'appel au meurtre? « J'ai écrit au sujet de M. Samuel Laurent [du Decodex du Monde, ndlr] », concède toutefois Jacques Sapir: « que je l'inviterai bien à prendre un verre, pour la publicité qu'il m'avait faite, mais que je lui casserai peut-être la bouteille sur la tête ».
Olivier Ertzscheid, maître de conférences en Sciences de l'information à l'IUT de La Roche-sur-Yon, accuse aussi Jacques Sapir, n'hésitant pas à lui reprocher le comportement, selon ses termes, de son « fan-club », jugé « souvent complotiste et injurieux » et « globalement usant ». Ni une ni deux, voilà Jacques Sapir, professeur à l'EHESS, amalgamé aux complotistes. « Je ne suis pas un chanteur de rock! » s'exaspère-t-il.
Les soutiens académiques apprécieront: « dernièrement, c'est toute l'équipe de direction de l'Institut de prévision (Moscou) qui m'a envoyé un texte de soutien », rapporte Jacques Sapir, touché par leur geste. Selon ses auteurs, il est impossible de mener des recherches sociales sans tenir compte de politiques publiques, qu'elles soient économiques, sociales ou internationales. En définitive, cette polémique révélerait l'absurdité d'une maison d'édition se voulant « ouverte » mais qui semble… se fermer.
Et après?
« Le fait qu'ils aient décidé une ‘suspension' de mon carnet montre d'ailleurs qu'ils se laissent la possibilité de faire machine arrière », espère Jacques Sapir: « je maintiens ma demande: que la possibilité de publier sur RussEurope me soit rendue ». Pour l'instant, celui-ci a pu créer un blog de secours, RussEurope-en-Exil, hébergé par Olivier Berruyer sur Les-Crises.fr. Mais, « comme tout exilé », Jacques Sapir n'aspire « qu'à une chose: retrouver sa maison… »
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