« J'aurais été presque vexée que Le Monde me mette en vert »: Élisabeth Lévy estime que
« C'est une grosse arnaque qui repose sur une idée un peu bébête, mais qui a pour elle la simplicité de l'évidence: dans la vie, il y aurait des faits, d'un côté des faits vrais et de l'autre des faits pas vrais ».
Fidèle au ton polémique pour lequel elle est connue, la fondatrice de Causeur trouve que
« Ça aurait dû susciter un grand éclat de rire… Le Monde qui s'arroge le rôle d'arbitre des élégances déontologiques, on meurt de rire! J'ai l'impression qu'ils veulent dépolluer, ça m'a fait penser aux pastilles pour les voitures. »
Au final, Élisabeth Lévy juge qu'un tel outil ne peut de toute façon pas être efficace auprès du public.
Jacques Sapir, rebondissant sur la notion de « fait », apporte son recul de chercheur:
« Il y a quelque chose d'extrêmement important, c'est l'utilisation de la soi-disant objectivité du fait. C'est un problème sur lequel en sciences sociales, en économie, en histoire, en sociologie, en anthropologie, on ne cesse de réfléchir: bien sûr que les faits existent, mais les faits sont construits. »
Pour Olivier Berruyer, qui se décrit comme « compagnon d'infortune » de Jacques Sapir, la question des fausses nouvelles est secondaire:
Et de conclure:
« Le gros problème, ce ne sont pas les fake news, ce sont les no news, toutes ces nouvelles qu'on n'a pas dans les grands médias, celles qui ne sont pas là, alors qu'elles touchent tout le monde. »
Jacques Sapir estime donc que le fait que cette démarche vienne du Monde n'est pas un hasard:
« Dans un monde où le journaliste traditionnel est contesté, car chacun peut à sa guise créer un site d'information, l'opération Décodex apparaît comme une volonté, un peu puérile et clairement désespérée, de certains journalistes de se garantir le monopole de l'information. Il eut été plus utile et plus profitable à tous que ces dits journalistes s'interrogent sur les raisons de leur perte d'audience. »
De plus, « Le Monde s'approprie un pouvoir qui pourrait à l'extrême limite relever d'un comité indépendant ou du CSA, mais certainement pas d'un journal qui est un acteur de cette sphère de l'information et qui ne peut donc prétendre à l'impartialité nécessaire pour une telle fonction. »
Selon Olivier Berruyer, qui a étudié l'application en profondeur et a beaucoup publié à ce sujet, « cette affaire est beaucoup plus importante qu'il n'y paraît », car « Les Décodeurs font la police », même s'il qualifie le nombre de téléchargements relativement faible de l'application (21 000) d'« échec lamentable ». En effet,
« Ce qui est très intéressant, c'est les oranges. Dedans, il y a Minute, Rivarol, et tout à coup RussEurope [blog de Jacques Sapir, ndlr] et des gens sérieux! On voit qu'ils se vengent. Alors qu'en vert, ils ont mis Télé Z ou le site de la sécurité sociale, des grands sites d'information… ».
Le fondateur du site Les Crises semble avoir vécu ces événements de façon très personnelle et s'estime victime d'un préjudice fort:
Il semble donc craindre qu'une démarche comme celle-ci puisse dissuader des gens de se lancer dans l'information indépendante, ou au moins de le faire à visage découvert.
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