Censure ou la démocratie en marche dans la France d’aujourd’hui

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Un acte en apparence anodin, mais en réalité assez extraordinaire, a été commis à mon égard. Il est significatif de l’atmosphère dans laquelle la France se débat depuis maintenant plusieurs mois.

Mon carnet scientifique, ouvert en septembre 2012 sur Hypotheses.org a été suspendu. Je ne puis donc plus installer de notes ni faire des modifications sur les textes publiés. Le communiqué, signé par Marin Dacos directeur d'Open Edition, et installé sur mon carnet dit: « Le carnet que vous consultez est désormais une archive et ne sera plus alimenté. Les droits d'accès en écriture ont été retirés à son auteur par l'équipe d'OpenEdition.

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À de nombreuses reprises, l'auteur du carnet y a publié des textes s'inscrivant dans une démarche de tribune politique partisane, déconnectés du contexte académique et scientifique propre à Hypothèses et constituant une condition indispensable pour publier sur la plateforme. »

Prenons ce texte au pied de la lettre. Cela signifie que l'on pourrait séparer ce qui relève de la « science » de ce qui relève de la « politique ». C'est peut-être, et encore, le cas dans les sciences de la nature. Mais, c'est strictement impossible dans les sciences sociales, comme l'économie, la sociologie, l'histoire ou les sciences politiques. On ne peut qu'être étonné par cette prise de position, venant de gens qui avaient la charge d'une plateforme consacrée principalement aux sciences sociales. Cela prouve, du moins en apparence, qu'ils n'en maîtrisent nullement l'épistémologie.
Par ailleurs, j'ai ouvert ce carnet en septembre 2012, et immédiatement j'y ai publié à la fois des textes plus académiques (servant bien souvent de base à des articles scientifiques) mais aussi d'autres textes, plus polémiques, et toujours en lien avec mes propres recherches. Tous ces textes s'inscrivent dans le contexte de mes recherches. De plus, et il faut l'ajouter, de nombreux carnets réagissent eux-aussi à l'actualité.

Je conteste donc formellement cette affirmation tout comme cette procédure, dont on peut s'étonner qu'elle survienne maintenant, en 2017. J'aurais compris cette mesure si mes textes avaient contrevenu au point 10 de la charte d'Open Edition. Mais, un courrier de M. Dacos indique que ce n'est pas le cas et que ce n'est pas cela qui m'est reproché.

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Parmi les textes qui me sont reprochés dans une lettre co-signée de M. Dacos et du Président d'Open Edition, il y a le texte suivant: Times of change for French politics (24 avril 2017). Il correspond à la version anglaise d'un article publié dans la revue russe Ekspert. D'autres auteurs écrivant sur Hypothese.org pratiquent de même. Pourrait-on alors m'expliquer ce qui justifie la différence de traitement avec moi? Est-ce la revue russe, pourtant considérée dans son domaine comme une revue de référence, qui gêne? Ou bien alors, faut-il croire que ce sont les opinions? Bref, on ne peut que constater qu'ici les termes du communiqué ne cachent que très mal une toute autre réalité.

Ce communiqué apparaît, alors, comme un pur prétexte. On se souvient du vieil adage « qui veut noyer son chien l'accuse de la rage ». On comprend immédiatement que pour tout auteur, et c'est mon cas, qui estime que la recherche ne se fait pas dans les limbes, les travaux scientifiques me conduisent nécessairement à prendre parti dans l'agora électronique, ce que j'ai fait d'ailleurs dès l'ouverture du carnet en septembre 2012. Nous sommes donc, à tout le moins, devant une mesure arbitraire. Alors, peut-être est-ce tout simplement le succès du carnet Russeurope qui m'attire les foudres de Marin Dacos et d'Open Edition. Et il est vrai que Russeurope a connu un développement auquel je ne m'attendais pas quand je l'ai créé. Le nombre de connexions mensuelles, tout comme le nombre de visiteurs, a atteint des chiffres étonnants. On peut penser que ce qui aurait été toléré pour un carnet connaissant moins de 30 000 connexions par mois était devenu insupportable pour un carnet connaissant plus de 200 000 connexions mensuelles, avec des pics à plus de 350 000. Ainsi, la note postée sur RussEurope le 22 septembre 2012 n'est pas différente ni dans son ton ni dans son contenu, de ce que j'ai publié cette année. Mais, clairement, une note publiée sur un carnet qui, à l'époque, avait environ 25 000 connexions/mois gène moins que ce qui est publié sur un carnet à plus de 200 000 connexions/mois. Et ce d'autant plus qu'il était de notoriété publique que les articles et notes de Russeurope étaient repris sur d'autres blogs, que ce soit en France, en Belgique, en Italie ou dans d'autres pays.

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Il y a cependant un autre point dérangeant dans la démarche d'Open Edition. Tous les articles cités datent de 2017, et de la période dite de « campagne présidentielle », alors que j'ai publié des prises de position dès l'ouverture du carnet. Or, on peut constater qu'en 2017 M. Marin Dacos est devenu « Conseiller scientifique pour la science ouverte auprès d'Alain Beretz, Directeur général de la recherche et de l'innovation au Ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ». Ceci correspond à une position officielle. Elle est, d'ailleurs, de nature à induire un conflit d'intérêts avec sa position de directeur d'Open Edition qui, par nature, est une plate-forme ouverte à toutes les opinions.

Surtout, elle pourrait fonder à penser qu'il y a là la source réelle de la mesure qui me frappe. Ce n'est point tant le fait de publier des textes politiques, ou s'inscrivant dans une lecture du politique découlant de recherches scientifiques que l'on me reproche, mais bien les opinions de ces textes. Ce serait donc, si cette hypothèse était vérifiée, un véritable procès d'opinion, chose que l'on croyait bannie dans un pays se disant démocratique.

On découvre donc où sont tombés la démocratie, et les pratiques démocratiques, en France. L'éviction du Nouvel-Observateur d'Aude Lancelin il y a quelques mois, indiquait bien que des pratiques plus que malsaines étaient en train de se répandre. Car, on reprochait moins à Mme Lancelin ses articles que le fait, de notoriété publique, qu'elle soit la compagne de l'économiste contestataire Frédéric Lordon. Aujourd'hui, 1er octobre 2017, on voit le gouvernement espagnol envoyer la police et les forces para-militaires pour empêcher la tenue du référendum sur l'indépendance en Catalogne. On bâillonne ici, on réprime là-bas. Si le Prince Hamlet sortait aujourd'hui de sa tombe il pourrait dire qu'il y a décidément quelque chose de pourri dans le royaume de France et dans celui d'Espagne…

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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