Le dossier nord-coréen n’est-il qu’un prétexte pour une guerre commerciale contre Pékin?

© REUTERS / Joshua RobertsUS President Donald Trump announces his strategy for the war in Afghanistan during an address from Fort Myer, Virginia, US, August 21, 2017.
US President Donald Trump announces his strategy for the war in Afghanistan during an address from Fort Myer, Virginia, US, August 21, 2017. - Sputnik Afrique
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La Maison blanche considérera tout pays faisant des affaires avec la Corée du Nord comme complice du programme nucléaire de Pyongyang. C'est ce qu'a déclaré l'ambassadrice des USA à l'Onu Nikki Haley.

Et avant cela le président américain Donald Trump n'a pas écarté la possibilité de décréter des sanctions économiques contre les Etats partenaires de la Corée du Nord. Ces restrictions pourraient également frapper la Chine, qui représente une part majeure dans les échanges de la Corée du Nord. Si les Américains engageaient une telle démarche, les conséquences seraient catastrophiques, estiment les experts. Une guerre commerciale entre la Chine et les USA affecterait le monde entier.

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La déclaration en question a été faite par l'ambassadrice des USA Nikki Haley lundi 4 septembre pendant la réunion du Conseil de sécurité des Nations unies. «Les USA considérerons tout pays faisant des affaires avec la Corée du Nord comme un pays qui apporte une aide à ses aspirations nucléaires déraisonnables et dangereuses», a-t-elle déclaré.

Rappelons que plus tôt le locataire de la Maison blanche a menacé les pays en relations économiques avec la Corée du Nord de rompre totalement les liens commerciaux.

Comme l'a annoncé hier sur Twitter le président Trump, les autorités américaines étudient de telles mesures parmi les éventuelles options de réponse aux actions de Pyongyang. Le ministère américain des Finances prépare déjà un projet de loi en ce sens. C'est ce qu'a déclaré le secrétaire au Trésor Steven Mnuchin sur Fox News.

«Tous ceux qui voudront faire des affaires avec eux ne feront pas d'affaires avec nous», a déclaré le ministre.

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De son côté, Julian Assange a mis en garde le président américain contre des gestes brusques. Donald Trump perdra son poste s'il tentait de déclencher une grande guerre commerciale contre la Chine, a exprimé son avis le fondateur de WikiLeaks sur Twitter.

«Si Trump bloquait les échanges de 650 milliards de dollars entre les USA et la Chine, il serait immédiatement destitué», a écrit Assange en rappelant que 90% des échanges extérieurs de la Corée du Nord s'effectuent avec la Chine.

Dimanche 3 septembre, les autorités nord-coréennes ont réalisé leur sixième essai nucléaire. Cette fois il s'agissait d'une bombe H dont l'explosion a provoqué des secousses sismiques dans la région. La Maison blanche est persuadée que Pékin pourrait exercer davantage de pression sur les autorités nord-coréennes. En juillet, le président américain s'est dit déçu par la politique de la Сhine qui «ne fait rien dans la situation avec la Corée du Nord». Cependant, en août, Pékin a d'abord exprimé son soutien aux sanctions du Conseil de sécurité des Nations unies contre Pyongyang, puis a décrété lui-même des sanctions commerciales contre la Corée du Nord. Les sanctions chinoises sur les importations de charbon, de fer et de plomb de Corée du Nord sont en vigueur depuis le 15 août. C'est ce qu'a déclaré le ministère chinois du Commerce.

La perte de contrôle

Il est à noter que le programme nucléaire et balistique de Pyongyang est loin d'être le seul point de divergence entre Pékin et Washington. Les menaces de déclencher une guerre économique et commerciale contre la Chine ont été également proférées par Trump en dehors du contexte nord-coréen. Pendant sa campagne déjà le républicain évoquait le thème de l'immense déficit commercial des USA.

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Par exemple, en 2015 les échanges sino-américains s'élevaient à 659 milliards de dollars, sachant que la Chine a exporté aux USA des marchandises pour 497 milliards de dollars. La lutte contre le déficit commercial, l'augmentation du nombre d'emplois dans le pays, l'accroissement de la production industrielle américaine — ces thèmes étaient depuis le début au centre de l'attention du chef du Bureau ovale.

Sachant que le républicain préfère accuser Pékin de cette situation: Trump a particulièrement critiqué la politique de la Banque centrale de Chine qui maintenait pendant une longue période un cours bas du yuan. Cette mesure stimulait les exportations chinoises même sur fond d'augmentation du coût de production des marchandises chinoises.

Le gouvernement chinois réagissait froidement aux attaques de Trump. Pendant le Forum économique mondial de Davos le président chinois Xi Jinping a promis de ne jamais recourir aux manipulations monétaires tout en confirmant l'attachement de Pékin aux principes du marché libre. En avril, Xi Jinping s'est rendu aux USA pour évoquer plusieurs questions litigieuses: le déséquilibre commercial, la fuite des technologies en Chine, les différends sur le litige territorial en mer de Chine méridionale et d'autres thèmes.

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Dans une interview au Wall Street Journal Donald Trump a expliqué que la position de la Chine par rapport au programme nucléaire et balistique nord-coréen doit faire partie d'un accord avec Pékin. Trump a déclaré que pendant l'entretien avec Xi Jinping il a accepté de faire des concessions dans le secteur commercial et économique si le gouvernement chinois «réglait le problème» avec la Corée du Nord. Selon le dirigeant américain, le domptement de Pyongyang vaut le coup pour avoir un certain déficit dans le commerce extérieur.

«Si Trump s'est réellement entendu en avril avec la Chine sur un certain accord dans le cadre duquel Pékin acceptait de dompter la Corée du Nord, aujourd'hui il a été rompu. Et en accusant la Chine de tous les problèmes Donald Trump a signé sa défaite», a indiqué Ivan Tsvetkov, maître de conférences à la chaire d'études américaines à la faculté de relations internationales de l'université d'Etat de Saint-Pétersbourg.

Dans le même temps force est de constater que les relations sino-américaines se sont stabilisées pendant une période relativement longue: la Banque centrale de Chine n'a pas pris de mesures pour dévaluer la monnaie nationale (actuellement le yuan se renforce, au contraire), alors que Washington ne soulevait pratiquement pas le thème du déséquilibre commercial.

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En outre, le 6 août, la Maison blanche a exprimé une gratitude à Pékin et à Moscou pour leur position sur la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies contre la Corée du Nord.

Cependant, le 15 août, le président américain a signé un document qui permet d'ouvrir une enquête contre Pékin. Washington soupçonne les autorités chinoises de violer la loi sur la protection de la propriété intellectuelle américaine. L'enquête se terminera d'ici fin 2018. Si leur culpabilité était avérée, la Maison blanche pourrait établir unilatéralement des restrictions sur les importations.

Le 17 août, Steve Bannon, qui occupait à l'époque le poste de conseiller stratégique du président américain, a déclaré que les USA et la Chine étaient en état de guerre économique. Bannon pense que nous connaîtrons prochainement le vainqueur de cette compétition, et dans quelques années la situation atteindra le point de non-retour quand le perdant ne pourra pas rattraper le retard. Bannon a expliqué que Washington étudie la possibilité d'adopter des sanctions économiques sévères contre la Chine en tant que mesure visant à régler le conflit sur la péninsule coréenne.

Il est à noter que le lendemain de la publication de son interview dans le magazine The American Prospect Steve Bannon a quitté son poste à la Maison blanche. Selon les experts, les récentes déclarations de Donald Trump sont une tentative de garder le contrôle après le renvoi de collaborateurs proches.

«Au cours des premiers mois de sa présidence se déroulait une lutte au sein du milieu dirigeant américain entre les partisans d'une rupture avec la Chine et ceux qui souhaitent maintenir le commerce, a noté Ivan Tsvetkov. Apparemment Trump tente aujourd'hui de retenir la barre qui lui échappe des mains — dernièrement il a dû virer les collaborateurs qui partageaient sa vision sur les liens économiques avec la Chine. Après cela théoriquement devait prédominer la ligne des partisans du commerce avec la Chine, mais au lieu de cela Donald Trump tente en solitaire de promouvoir l'idée des sanctions antichinoises. Visiblement la situation avec la Corée du Nord n'est qu'un prétexte, car les sanctions contre Pékin ne contribueront certainement pas au règlement de la crise coréenne — plus l'inverse.»

Une crise pour tous

Une autre «cible» des critiques de la part de Trump ce sont les compagnies américaines qui délocalisent leurs productions dans les pays du Tiers monde. Le chef du Bureau ovale est même prêt à faire pression sur les compagnies en augmentant les taxes d'importation.

Il est à noter que plusieurs compagnies occidentales ont entamé la fermeture de leurs productions en Chine bien avant les directives du républicain. Premièrement, le coût de la main d'œuvre chinoise augmente chaque année. Si au début des années 1990 le salaire moyen en Chine était de 37 dollars, en 2017 ce chiffre a atteint 750 dollars par mois. Deuxièmement, les autorités chinoises durcissent progressivement la loi dans le domaine environnemental. L'écologie chinoise a été significativement touchée en période de boum industriel, et aujourd'hui Pékin souhaiterait délocaliser une partie de la production à l'étranger. Début 2015, le gouvernement chinois a présenté un nouveau programme de développement du secteur des aciéries. L'Etat a promis son soutien aux compagnies qui délocaliseront une partie des productions industrielles à l'étranger. Et ce n'est qu'une partie de la stratégie à long terme de Pékin pour réformer le secteur industriel. Cependant, la réduction des productions chinoises n'a pas encore entraîné une croissance industrielle notable aux USA.

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Selon les statistiques de Deutsche Bank pour 1990-2012, la part de la production industrielle des USA se réduisait continuellement depuis le début des années 1990 jusqu'en 2008-2009. En 2012, la situation a commencé à se redresser avec une légère croissance à prévoir. Néanmoins, on ne parvient toujours pas à obtenir une forte croissance, en moyenne cet indice est aux alentours de 2% par an.

Selon les experts, ces dernières années l'expansion économique chinoise prend des formes complètement différentes. Il n'est plus question d'une Chine "atelier du monde" — en termes de salaires la Chine devance un grand nombre de pays.

«La Chine répand son influence en achetant des entreprises à travers le monde, et le plus souvent ces transactions ont lieu discrètement, la Chine est très réticente à fournir des informations et des statistiques, a noté Inna Andronova, docteure en sciences économiques et professeure à la chaire des relations économiques internationales à l'université de l'amitié des peuples. En environ dix ans la Chine est devenue la première de par le nombre de multinationales, ce qui préoccupe forcément les concurrents dans le monde. Les USA accusent la Chine de néo-colonisation — alors que c'est précisément ce que les Américains ont toujours fait. L'apparition d'un puissant concurrent les inquiète sérieusement.»

La concurrence conséquente entre les principales puissances économiques, les USA et la Chine, est lourde de conséquences imprévisibles. Si une guerre de sanctions éclatait entre les deux pays, les conséquences seraient colossales aussi bien pour les USA et la Chine que pour le monde entier.

«Toutes les guerres commençaient toujours par un conflit de grands partenaires commerciaux, c'est pourquoi les conséquences d'un conflit entre Washington et Pékin pourraient être diverses et variées. A la veille de la Première Guerre mondiale certains pensaient qu'une guerre était impossible parce que les pays entretenaient des liens économiques étroits, mais toute nouvelle génération pense qu'elle a appris sur l'expérience de l'ancienne. Et aujourd'hui l'administration de la Maison blanche attise excessivement la situation, et c'est très dangereux», a conclu Inna Andronova.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.

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