La réduction des émissions de gaz à effet de serre est considérée comme la solution la plus juste et la plus sûre pour lutter contre le réchauffement climatique, et c'est précisément ce à quoi l'humanité est occupée actuellement. D'après l'accord de Paris sur le climat adopté le 12 décembre 2015, pour éviter des changements réellement catastrophiques il faut limiter la hausse des températures globales sur Terre à hauteur de 2 degrés ou, mieux encore, rester en-dessous de 1,5 degré par rapport aux niveaux enregistrés avant la révolution industrielle.
C'est pourquoi, en plus de l'accord de Paris pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre, les chercheurs étudient différentes options radicales pour lutter contre le réchauffement. Ainsi, il serait éventuellement possible d'influencer l'équilibre radioactif de la Terre à l'aide de méthodes de géo-ingénierie. Toutefois, les climatologues et les experts en politique climatique évitent ce terme car les discussions sur une ingérence d'envergure dans la nature pourraient nuire à la réputation d'un spécialiste dans ce domaine.
Les stratégies de géo-ingénierie sont réparties en deux catégories: l'élimination du CO2 accumulé de l'atmosphère et la diminution de la chaleur reçue par la planète. La première option est préférable mais est très coûteuse financièrement et énergétiquement, et problématique du point de vue technologique. Par exemple, on pourrait replanter les forêts qui recouvraient pratiquement la moitié de la planète à une époque. Il est évident que c'est inconcevable. L'alternative, qui consiste à utiliser les technologies d'extraction directe du CO2 de l'atmosphère pour l'enfouir ou l'utiliser ensuite, en est encore au stade de l'idée.
Pour cela, il est nécessaire de bloquer la lumière du Soleil qui arrive jusqu'à nous avant sa pénétration dans l'atmosphère de la Terre, ou de renvoyer davantage de chaleur dans l'espace.
Dans un article publié par le magazine Science, Ulrike Niemeie de l'Institut météorologique Max Planck de Hambourg et Simone Tilmes du laboratoire de chimie, d'observation et de modélisation auprès du Centre national d'études atmosphériques (NCAR) à Boulder examinent les avantages et les inconvénients d'une introduction systématique de grandes quantités de soufre dans la stratosphère. Cette méthode a été baptisée «modification d'aérosol stratosphérique» (SAM).
Un tel phénomène se produit de manière naturelle pendant les grandes éruptions volcaniques. Des particules de dioxyde de soufre pénétrant dans la stratosphère peuvent provoquer pendant une certaine période un refroidissement global de toute la planète. Ainsi, l'éruption du volcan philippin Pinatubo en juin 1991 a provoqué l'émission d'environ 17.000 tonnes de dioxyde de soufre et, en conséquence, un refroidissement du l'hémisphère Nord de 0,5-0,6 degré.
D'après les simulations, suite à une utilisation d'envergure de la SAM il serait possible de réduire notablement les changements qui se produisent actuellement à cause des gaz à effet de serre et entraînent la hausse des températures globales ainsi que des précipitations extrêmes.
Cette méthode aurait aussi des effets secondaires tels que le ralentissement du cycle hydrologique, ce qui pourrait affecter l'accès à l'eau douce et provoquer une diminution des précipitations de mousson. Les auteurs avertissent que pour l'instant, il est difficile d'évaluer la quantité nécessaire de soufre à injecter pour parvenir au niveau voulu de refroidissement de la planète, car en fonction des simulations on constate encore de très grandes variations. Les exigences technologiques restent incertaines et les frais économiques de la SAM sont également difficiles à évaluer.
Un autre article d'Ulrike Lohmann et de Blaž Gasparini, de l'Institut des sciences atmosphériques et climatiques de l'École polytechnique de Zurich, aborde les méthodes de manipulation de nuages afin qu'ils absorbent moins de rayonnement à ondes longues émis depuis la planète. Les cirrus semi-transparents minces à haute altitude peuvent en effet absorber les radiations à ondes longues, créant un effet de réchauffement. Les scientifiques ont utilisé des simulations spéciales pour étudier la possibilité de détruire ou de créer des cirrus artificiels absorbant moins de chaleur.
Cela pourrait être réalisé en utilisant des granulés qui concentrent l'humidité, par exemple, en dissipant des cristaux de glace.
Les avions de haute altitude seront également exploités. Les auteurs pointent plusieurs risques dans la large utilisation de cette approche, y compris l'éventuelle destruction de la couche d'ozone et l'intensification de la convection tropique. La conclusion étant que si les technologies de création de cirrus artificiels n'étaient pas minutieusement élaborées, l'effet pourrait être inverse: au lieu d'un refroidissement on obtiendrait un réchauffement supplémentaire.
«Les cirrus qui se forment à grande altitude absorbent une partie du rayonnement qui, dans le cas contraire, partirait dans l'espace. Dans ce sens ils agissement comme des gaz à effet de serre», explique Ulrike Lohmann dans une interview à IBTimes.
Les cirrus se composent essentiellement de cristaux de glace. Pour prévenir leur formation, il faut parsemer l'atmosphère de minuscules particules — par exemple de la poussière du désert ou du pollen. Ces particules deviennent des centres de formation de plus grands cristaux de glace mais en moindre quantité. «Cela empêche la dissipation de la lumière du soleil et permet également au rayonnement à ondes longues de partir dans l'espace», déclare Ulrike Lohmann.
Quels problèmes pourraient rencontrer de tels projets? Les facteurs inconnus sont trop nombreux. Le refroidissement de la planète pourrait provoquer de nouvelles anomalies météorologiques à travers le monde et le système des moussons indiennes annuelles pourrait notamment être détruit. De plus, il faudra poursuivre la réalisation de ces projets pendant très longtemps car le CO2 restera encore dans l'atmosphère et mènera son «activité subversive». En outre l'intoxication, l'«oxydation» de l'océan se poursuivra.
«Imaginez-vous que quelqu'un vole dans l'atmosphère pour disperser du soufre, et qu'après cela la saison de la mousson en Inde soit retardée. Cela provoquerait une crise géopolitique!», déclare Janos Pasztor, directeur exécutif de l'Initiative pour les recherches climatiques et géologiques du Conseil Carnegie et coauteur d'un autre article se penchant sur les conséquences politiques des expériences décrites ci-dessus.
La prise de décisions doit être précédée d'un dialogue international avec la participation du plus grand nombre possible de pays. Le réglage du «thermostat mondial» nécessitera un contrôle rigoureux et on ignore à quel point ce sera difficile.
«Je voudrais souligner que nous ne promouvons pas la géo-ingénierie mais l'idée du dialogue», affirme Janos Pasztor. L'absence de données cruciales rend nerveux certains scientifiques vis-à-vis de tels projets. Le magazine Wired écrit ainsi: «Le monde avance vers un avenir de plus en plus risqué et il n'est pas prêt au règlement des problèmes institutionnels et gouvernementaux liés à ces technologies. La géo-ingénierie comporte des conséquences pour toute la planète et c'est pourquoi elle doit être évoquée par les gouvernements nationaux au sein des institutions intergouvernementales, notamment à l'Onu.»
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.