Le baume polonais
Cette sympathie n'est pourtant pas garantie. Selon un sondage du Pew Research Center, le soutien de la politique étrangère de Trump est de seulement 23% en Pologne — contre 58% à l'époque d'Obama. C'est pourquoi suite à son arrivée dans ce pays, Trump n'a pas tari de compliments en direction de ses hôtes et a flatté la nation polonaise, ses accomplissements historiques et même sa position géographique. «La Pologne est le cœur de l'Europe», a-t-il notamment affirmé. Les Polonais, qui font actuellement face à une percée du nationalisme polonais et à un conflit avec le «cœur» de Bruxelles et le «cerveau» de Berlin, porteront le leader américain en triomphe pour ces propos.
«Je n'exclus pas que ce discours ait été préparé pour Trump par un Polonais ethnique de son administration. Il témoigne d'une connaissance atypiquement bonne des points douloureux de l'histoire polonaise et porte des coups trop précis», estime Dmitri Ofitserov-Belski, doyen de l'École des hautes études en sciences économiques.
Il reprend par exemple la version polonaise de l'histoire de l'insurrection de Varsovie. "En 1944, les armées soviétique et nazie se préparaient aux combats ici, à Varsovie. Dans ce contexte, les habitants de la ville ont lancé une insurrection. […] Plus de 150 000 Polonais ont perdu leur vie au cours de ce combat désespéré contre l'envahisseur. Situées à l'autre bord du fleuve, les forces de la Russie soviétique observaient tranquillement les nazis détruire la ville, tuer les hommes, les femmes et les enfants".
Semi-vérités
On dit qu'un mensonge contient toujours une moitié de vérité. Les armées soviétique et nazie se préparaient aux combats à Varsovie et dans ce contexte, les habitants de la ville ont lancé une insurrection. Mais pourquoi? Il ne s'agissait pas du réveil de leur fierté nationale: dans ce cas-là ils auraient combattu du côté des juifs lors de la défense héroïque de leur ghetto en 1943. Les activistes polonais de la ville ont lancé leur insurrection car le gouvernement en exil qui se trouvait à Londres avait décidé de renforcer ses positions au cours des négociations éventuelles sur l'avenir de la Pologne.
Concernant l'aide soviétique, comme le dit Trump, «les forces de la Russie soviétique observaient tranquillement les nazis détruire la ville, tuer les hommes, les femmes et les enfants». Mais que pouvaient-elles faire?
«Il n'était possible de traverser la Vistule que dans le cadre d'une opération large et bien préparée comme l'a été l'offensive Vistule-Oder en janvier 1945. Il était impossible de la lancer plus tôt. Tout connaisseur de l'histoire militaire vous dira que l'offensive précédente des forces soviétiques dans le cadre de l'opération Bagration était trop rapide: les lignes ferroviaires biélorusses avaient été détruites par les partisans lors de l'opération Concert en 1943 et il fallait donc du temps pour transporter les réserves et les armes vers la ligne du font déplacée trop loin à l'ouest. L'objectif principal du commandement soviétique était à l'époque de prévenir une contre-attaque, et il n'avait aucune envie de jeter ses troupes dans une poche sur la rive gauche de la Vistule», explique Dmitri Ofitserov-Belski.
Qui plus est, les troupes du général Zygmunt Henryk Berling, commandant de la 1ère Armée polonaise faisant partie du 1er Front biélorusse, ont tenté de traverser la Vistule en septembre 1944. Plus de 3 000 soldats voulant sauver les habitants de Varsovie ont péri à cause de l'aventurisme de Londres et du gouvernement polonais en exil.
Dans tous les cas, l'homme d'affaires Donald Trump n'avait pas besoin de la vérité historique mais de faire bonne impression. Et il a réussi. "La Pologne est ravie. On compare le discours de Trump avec celui de Jean-Paul II lors de sa première visite officielle dans le pays", indique Dmitri Ofitserov-Belski. Le président américain part donc après avoir menti, mais en ayant augmenté considérablement sa popularité.