Accusée de propagande, l’association syrienne des médias libres se défend

© Sputnik . Andrei Stenin / Accéder à la base multimédiaLa ville syrienne de Ghouta
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Suite aux accusations d’Ayssar Midani, qui évoquait les très forts soupçons de manipulations du projet concernant la formation des Syriennes au métier de journaliste, l’association syrienne des médias libre réfute les reproches qui leur sont faits.

À la demande de l’association syrienne des médias libres, nous avons modifié notre article afin de mieux présenter les arguments de cette ONG. Ces modifications sont signalées par le symbole (*).

 

L'initiative de l'Association syrienne des médias libres (ASML/Syria) concernant la formation des femmes syriennes au métier de journaliste affiche une totale bonne volonté mais suscite des interrogations. Et si ces femmes étaient récupérées ou instrumentalisées à des fins de propagande? Pourquoi ce projet ne vise-t-il que les régions de Ghouta et d'Idlib, contrôlées par les islamistes radicaux?

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(*) Armand Hurault, directeur exécutif de l’ASML/Syria affirme que «tout d’abord, c’est une erreur factuelle grave qui démontre le très peu de connaissance que Mme Midani a de la situation sur le terrain». Il ajoute que ce projet s’inscrit dans

 

«la volonté de lutter pour la liberté de la presse et contre ceux qui veulent l’empêcher: les groupes islamistes radicaux et le régime syrien, par le renforcement de la société civile locale.»

Un discours qui ne convainc pas Patricia Lalonde, chercheuse à l'IPSE (Institut de Prospective et Sécurité en Europe) et secrétaire générale de l'ONG MEWA (soutien aux femmes dans les pays musulmans).

«Ce qui ne me plaît pas dans cette histoire, c'est que l'on met sur le même plan les radicaux islamistes et le régime syrien, cela me paraît invraisemblable.»

En effet, ce projet est destiné aux femmes syriennes de la Ghouta et d'Idlib. Des zones où abondent les groupuscules radicaux ou ceux dits «modérés», mais dont la modération reste souvent de pure forme.

«Je suis très, très vigilante par rapport à cette histoire de journalisme qui tout d'un coup, en pleine guerre veut s'imposer dans des zones qui sont contrôlées par les islamistes radicaux», confirme Patricia Lalonde.

De fait, si Daech n'y est pas présent, le Front Al-Nosra est lui, très puissant.

«Idlib est sous contrôle de Jabhat Al-Nosra […] j'ai bien peur qu'il y ait "anguille sous roche" dans cette histoire.» s'inquiète-t-elle.

Rappelons que le Front Al-Nosra est la branche syrienne d'Al-Qaïda. (*) De son côté, Armand Hurault, confirme la présence de Jabhat Al-Nosra dans la région, mais relativise:

«Dans le nord du pays, les groupes islamistes radicaux sont certes puissants, mais rencontrent une résistance très forte: militants, membres d’associations, professeurs, syndicats, conseils locaux, grandes familles, etc. Et les journalistes en sont les acteurs les plus importants, car ils forment depuis 2011 la colonne vertébrale de la société civile progressiste syrienne. À Maarat Al-Numan, en mars 2015, la population est descendue dans les rues pour s’opposer à Jabat Al-Nosra. La pression populaire alliée à la campagne médiatique des journalistes locaux ont forcé Jabat Al-Nosra à quitter la ville. Lutter pour la démocratie, contre la dictature et pour des valeurs de paix, de modération et de tolérance est la raison d’être d’ASML/Syria.»

Cette difficulté de comprendre les forces en présence soulève la question de la récupération ou de l'instrumentalisation de cette initiative dans une zone hors de tout contrôle. La propagande est massivement utilisée par les islamistes, Patricia Lalonde, nous met en garde sur les similitudes avec le Printemps arabe, en Tunisie et Libye:

«C'est un peu le style des Frères musulmans de faire cela. Et on sait qu'il y a de nombreux groupes plus ou moins radicaux qui se sont affiliés aux Frères musulmans.» 

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C'est bien le risque de propagande et de récupération que craint Patricia Lalonde.

«L'utilisation des femmes pour éventuellement faire de la propagande de guerre est quelque chose de terriblement dangereux et qui est malheureusement en train de se propager dans beaucoup de pays où les islamistes radicaux jouent un rôle important.»

Cependant, Armand Hurault estime que le risque d'instrumentalisation est exclu car

« une fois la formation terminée, ces femmes vont pouvoir s'exprimer sur des sujets qui leur tiennent à cœur, et qu'elles auront-elles-même choisis. C'est un contre-sens complet de dire que c'est de la propagande puisque le projet vise à donner une voix à une catégorie de la population dont les problèmes et réalités quotidiennes ne sont que très peu pris en considération. (*) De plus, le projet ne vise absolument pas à favoriser le journalisme de guerre. Comme cela est écrit clairement dans le projet, les thèmes abordés dans le blog concerneront la vie quotidienne et la société. Le projet vise à encourager le journalisme “positif”: des récits inspirants visant à encourager les femmes à prendre plus d’initiatives et à jouer un rôle plus important dans leurs communautés. Cela ne pourrait pas être plus éloigné du journalisme de guerre.»

Néanmoins, selon Patricia Lalonde, «Avant la guerre, les femmes jouissaient d'une liberté assez importante […], c'est vraiment insensé de vouloir mettre sur le devant de la scène le droit des femmes en ce moment où justement tous les groupuscules qui ont essayé de prendre en otage la Syrie. Et on ne peut pas dire que le droit des femmes soit leur souci premier.»

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